Archétype du capitaliste-bulldozer aux pratiques sociales pour le moins douteuses, Jeff Bezos n'en est pas moins un homme de flair –à peine entamée par son récent divorce, sa fortune pantagruélique témoigne que ses idées peuvent mener ses entreprises loin du modeste garage de Seattle où tout a commencé, en 1994.
C'est bien sûr le cas de la plateforme d'e-commerce que tout le monde connaît. Ce sera peut-être également le cas de son aventure spatiale, Blue Origin, ou de la très récente tentative de disruption du transport routier aux États-Unis. Mais si Amazon réussit à publier des résultats aussi brillants, avec un chiffre d'affaires de près de 60 milliards de dollars (53 milliards d'euros) qui a surpris les analystes, c'est aussi grâce à l'un des plus primordiaux de ses business de l'ombre: le cloud.
Section d'Amazon spécialisée dans le «cloud computing à la demande», Amazon Web Services (AWS) a vu, au premier trimestre 2018, son chiffre d'affaires grimper de 41% par rapport à la période précédente. Une somme totale –et confortable– de 8 milliards de dollars, qui risque de continuer à gonfler dans les prochaines années.
Tous dépendants d'Amazon
Quand il a créé AWS dès 2006, Bezos a eu le nez creux, voire abyssal: en se positionnant très tôt sur le marché avec des tarifs attractifs et des solutions sur mesure, la plateforme a attiré à elle nombre d'entreprises alors considérées comme des start-ups, mais devenues depuis des géants de leurs secteurs respectifs.
Mi-avril, on apprenait via The Verge et CNBC qu'Apple, dont une grande partie de la stratégie servicielle dépend du cloud, était l'un des plus gros clients d'AWS, avec une facture estimée à 30 millions de dollars mensuels, soit près de 27 millions d'euros, et qui risque de gonfler dans les prochaines années.
Mais la firme de Tim Cook, dont le contrat sur cinq ans représente 1,5 milliard de dollars, est loin d'être la seule. Comme l'explique un article de Business Insider, Airbnb a dès sa naissance choisi l'efficacité et les coûts réduits des services d'AWS pour pouvoir se concentrer sur son produit, comme l'ont fait Lyft (un contrat de 300 millions de dollars), Pinterest (750 millions de dollars), Dropbox, Comcast ou Netflix, l'un des plus gros et emblématiques clients du nuage de Bezos.
La préparation de l'entrée en bourse de Slack a également permis de voir que la messagerie-star reposait comme tant d'autres sur les serveurs d'Amazon Web Services, avec un contrat de 250 millions de dollars sur cinq ans.
AWS est donc devenu un acteur plus que central sur le marché du cloud: l'intégralité du monde de la tech, ou presque, semble dépendre de ses services. Ce qui, au passage, lui octroie sans doute un pouvoir exorbitant sur la suite des événements.