La prédiction ne vient pas de nulle part: rapportée par le Financial Times, elle émane du plus gros trader indépendant en énergie au monde, la firme Vitol.
La transition vers le tout-électrique ou le tout-propre n'est donc pas pour tout de suite –mais l'horizon de ce renversement de tendance pousse les gros acteurs du secteur à anticiper l'avenir. «Nous pensons que la demande en pétrole continuera à croître pendant les quinze prochaines années, malgré la hausse marquée des ventes de véhicules électriques», a ainsi expliqué le PDG de Vitol, Russel Hardy, ajoutant que «cette demande commencera à être impactée après cette période».
Bouleversements géopolitiques
Cet «aveu», explique le Financial Times, est le premier à venir d'un si gros acteur du marché, et d'un acteur dont les prédictions sont très écoutées par ses pairs. Les montants quotidiennement négociés par Vitol, que les marchés soutiennent toujours et dont la capitalisation boursière continue de grimper, sont équivalents à la consommation combinée de la France, de l'Allemagne et de l'Espagne, ajoute le quotidien.
«Nous sommes conscients de l'importance croissante des sources d'énergie alternatives et réfléchissons à la meilleure manière de déployer nos capitaux dans ces nouveaux domaines», a assuré Russel Hardy. Les grandes banques mondiales, elles, continuent de parier sur le carbone: comme nous l'expliquions il y a quelques jours, les trente-trois plus grandes institutions mondiales ont investi, depuis 2015, la somme d'1,68 million de millions d'euros dans les énergies fossiles.
Un pays en particulier semble se détacher dans cette course à l'exploitation: les États-Unis. Le site Axios expliquait ainsi récemment que le pays de l'Oncle Sam avait «pris les marchés par surprise» en devenant en 2018 le plus gros producteur de pétrole au monde, et qu'il pourrait d'ici 2024 devenir son plus gros exportateur, devant les géants que sont la Russie et l'Arabie saoudite.
Selon l'Agence internationale de l'énergie, la croissance de la production américaine comptera pour 70% dans la hausse de la production globale dans les cinq prochaines années: misant massivement sur la très contestée fracturation hydraulique, les États-Unis peuvent compter sur un pétrole de bonne qualité, rapide à extraire et peu coûteux à exploiter.
Grand consommateur, le pays pourrait devenir un exportateur net de pétrole dès 2021, et ce pour la première fois depuis soixante-quinze ans. Combiné aux prévisions de Vitol, ce nouvel eldorado noir américain constituera sans doute un très profond bouleversement géopolitique. Mais la question du réchauffement climatique, elle, se posera peut-être beaucoup trop tard.