Matt et Noah Colvin ont semble-t-il la bosse du commerce, mais une moralité sans doute plus contestable. Le 1er mars, alors que la première victime du Covid-19 est annoncée aux États-Unis et comme le relate le New York Times, les deux frangins du Tennessee ont une idée: en profiter.
Profiter de la panique, stocker un maximum de gel hydroalcoolique et masques de protection puis les revendre sur Amazon ou eBay, où les prix flambent déjà, augmentés par une furieuse demande et des vendeurs très gourmands.
Avec un SUV et une remorque, Noah Colvin sillonne les bleds de son État ou du Kentucky voisin et fait une razzia de tout ce qu'il peut dégoter, se fournissant généralement dans des petites échoppes rurales, les centres urbains ayant déjà été pris d'assaut.
Noah Colvin revient au foyer avec plus de 17.000 bouteilles de ce précieux gel hydroalcoolique, ainsi que des quantités astronomiques de protections diverses, notamment des masques. Son frère l'attend, prêt à inonder le marché.
Offre, demande et profiteurs
Les Colvin commencent à écouler leur butin en faisant, bien entendu, de grasses culbutes sur le dos d'une clientèle affolée. De si belles culbutes –certaines bouteilles ont été vendues plus de 60 euros– qu'ils se voient déjà, une fois l'opération finie, à l'abri du besoin pour quelque temps.
Las, le libre marché a ses limites. Amazon et eBay, voyant ce commerce noir prendre des proportions déraisonnables, closent les comptes et mettent en place des limitations pour juguler l'appétit d'ogre des profiteurs de pandémie.
Matt et Noah Colvin ne sont pas les seuls à avoir eu le nez fin, qu'ils se sont ensuite cassé sur un marché en ligne désormais fermé à leurs petites combines. Ils sont ainsi des dizaines –voire des centaines– de vendeurs et de vendeuses à avoir vidé les étals du pays, jusqu'à forcer hôpitaux et soignant·es à se rationner dans un contexte de danger vital. Appliquée à toute chose rare donc chère mise sur le marché, des jouets aux céréales en série limitée, la méthode porte même un nom: le retail arbitrage.
Du moins lorsque ce n'est pas considéré comme manifestement abusif, donc illégal, par les autorités.
Leur business percé à jour sur les réseaux sociaux, les frères Colvin ont décidé de faire don de leurs stocks (la chaîne locale parle de 18.000 bouteilles), après avoir été placés sous l'étroite surveillance du procureur général du Tennessee.
Un don pour échapper à la sanction qui pourrait, toutefois, ne pas les sauver de pénalités si l'abus venait à être reconnu par la justice américaine.