Richement illustré, l'article du New York Times décrit les milliers d'hommes et de femmes creusant sans relâche la terre autrefois riche et fertile du village de KwaHlathi, dans la province du KwaZulu-Natal. Les pioches qui s'abattent dans le chaos d'un paysage désormais lunaire.
Un petit village de bric et de broc s'est organisé autour de cette étonnante ruée vers le vrai-faux diamant, et autour de cet hôtel local, dont le patron, avant de finir par rejoindre la partie, a vu tous ses employés déserter leurs postes en quelques heures.
L'histoire a débuté l'année dernière lorsqu'un berger du coin, Liau Masekotole, a trouvé ce qui lui a semblé être de véritables diamants dans le champ sur lequel il patrouillait autour de ses bêtes. Il n'a d'abord rien dit, mettant son butin de côté pour le montrer à sa famille, au Lesotho voisin.
Seul un berger de ses amis, Happy Mthabela, avait été mis au parfum de ces potentielles richesses. Lui n'a pas su garder sa langue, a montré quelques gemmes arrachées à la terre lors d'un mariage. Quelques jours plus tard, début juin 2021, la rumeur était relayée sur les réseaux sociaux. La ruée était lancée.
De tout le pays, parfois en taxi, des hommes et des femmes déboulaient en masse dans les champs de KwaHlathi, 4.000 familles en temps normal, désormais transformés en camp de fortune pour des milliers d'autres âmes, dormant souvent à même le sol, enroulés dans des sacs de couchage, dans les trous qu'ils ont eux-mêmes excavés.
Comme l'explique le New York Times, ainsi que le chef du village, possesseur traditionnel des terres sur lesquelles il n'a eu d'autre choix que de laisser les choses se faire, cette ruée est le signe du profond désespoir d'une partie de la population sud-africaine.
Dans un contexte de pandémie, le chômage déjà habituellement très élevé crève le plafond. Selon l'INSEE locale, il est de 32,6% dans l'ensemble de la population mais les jeunes sont beaucoup plus durement touchés encore, trois sur quatre étant sans emploi.
Ce chômage massif et ces horizons absents poussent certains malheureux aux dernières extrémités: une vingtaine de corps ont ainsi été découverts mi-juin dans une mine d'or désaffectée, sans doute morts d'avoir cherché à arracher d'ultimes richesses à la terre.
La valeur de l'espoir
Pas étonnant donc que l'annonce de la présence de diamants affleurant dans le sol de KwaHlathi ait ainsi provoqué de telles passions. Que le gouvernement s'est empressé d'essayer de calmer: quelques jours après le début du rush, il envoyait des experts sur place pour analyse, concluait que les pierres trouvées n'étaient que du quartz, et demandait à la troupe de retourner tranquillement chez elle.
Ce qu'elle n'a bien sûr pas fait. La confiance en des autorités trop souvent prises la main dans le pot de confiture est à peu près nulle, et l'espoir ou la simple joie d'y croire trop grands pour s'en laisser ainsi compter. Preuve pourtant la qualité diamantaire des pierres trouvées qui ne fait plus réellement de doute, celles-ci passent de mains en mains pour des prix dérisoires, quelques dizaines d'euros pour les plus grandes.
Fin juin, les autorités ont enfin vidé les lieux, ne faisant que repousser les prospecteurs et prospectrices, qui n'en démordent pas, un peu plus loin. «Ça leur a offert la liberté de ne plus stresser pour rien», explique Tshepang Molefi à John Eligon, du New York Times. Il lui a fallu cinq heures en taxi depuis Johannesburg pour rejoindre la foule d'ex-futur millionnaires.
«C'est rare de voir les gens aussi heureux. Peut-être à Noël», poursuit-elle. Si le cadeau n'est pas à la hauteur des espérances, ces dernières valaient apparemment le déplacement.