Nous y sommes. Malgré l'ire des petits commerçants, les Prime Days d'Amazon, ses soldes monstrueux, viennent de débuter. Les tentations sont multiples et grandes. Certes, la promotion sur ce plaid chauffant est alléchante. C'est vrai, ce petit vidéoprojecteur chinois à bas coût, obéré d'une vingtaine d'euros, pourrait parfaitement remplacer celui que vous avez acquis il y a quatre mois. Et puis, PayPal permettant désormais le paiement en quatre fois, ce drone à 379 euros (bon de réduction de 20 euros déduit) ne pourra vous faire de mal. À moins que si.
À moins, justement, qu'il ne s'ajoute aux dix-sept paiements en quatre fois derrière lesquels vous courrez chaque mois, que ce plaid chauffant n'ait pas le moindre intérêt en période estivale, que ce vidéoprojecteur ne soit multiplement redondant (et que ses avis soient bidonnés).
Peut-être souffrez-vous d'oniomanie, de fièvre acheteuse: ces achats ne vous apporteront sans doute rien, sinon la culpabilité poisseuse d'avoir craqué sans résistance et les gros yeux de votre banquier, mais la compulsion est trop forte.
Rassurez-vous, vous n'êtes pas seul. La pandémie de Covid-19 a même fait des acheteurs compulsifs une vaste armée: le e-commerce a renforcé sa place centrale dans nos vies, et l'allégement de la pression sanitaire a lancé une grande vague de «revenge spending», qui anime les ménages les plus modestes comme ceux capables de sortir la carte bleue pour une petite Lamborghini.
Résiste!
S'il n'y a pas de mal à se faire plaisir, se faire plaisir peut parfois nous faire du mal. Et alors que, sur le «everything store», les ventes flash clignotent comme des alertes nucléaires, comment résister à la tentation?
La première règle est de se souvenir que la plupart de ces achats compulsifs et souvent peu utiles, pour ne pas dire tout à fait dispensables, se manifestent lors de périodes émotionnelles troublées. Stress, anxiété, manque de confiance, moral en berne: en les commettant, on les croit capables de redresser nos torts, bien qu'à l'évidence ils ne règlent rien.
Prenez le temps. Posez-vous la question avant de passer à l'acte: dans quel état suis-je? Dans quel état serai-je ensuite? Ce chargeur USB 8 ports va-t-il réellement soulager cette angoisse sourde qui m'habite? En ai-je vraiment besoin, ou ne ferais-je pas mieux d'économiser son prix pour des vacances au soleil dans quelques mois? Notez ces impressions, revenez-y, analysez-les. Vous finirez par apprendre quelles situations provoquent ces irrésistibles envies, donc à mieux les esquiver.
À propos de prendre le temps, quelques heures peuvent faire toute la différence. Plutôt que d'acheter immédiatement l'objet convoité, placez-le dans votre panier, puis fermez la page. Patientez une demi-journée: vous aurez alors peut-être tout simplement oublié à quel point vous aviez eu soudainement tant besoin de cet aspirateur-robot, alors que vous en possédez déjà un.
Au grand dam des acteurs du e-commerce, ce lèche-vitrine virtuel fut l'une des tendances notables lors de la pandémie, en particulier chez les jeunes: le frisson de l'achat, sans la conséquence de l'achat, ni les mètres cubes de cartons à mettre au recyclage.
Amazon, comme les autres grandes plateformes et parmi de nombreuses données personnelles sensibles, permet de stocker ses coordonnées bancaires ou numéro de carte bleue, afin d'accélérer le processus d'achat. Commander un objet est diablement simple, beaucoup trop simple.
Ajoutez un peu de friction au parcours de consommation en retirant ces données avant l'envoi des Prime Days: rien que le fait d'avoir l'impression un peu plus tangible de payer pourrait vous faire faire quelques économies.
Bien entendu, établir un budget –mais, surtout, y coller au centime près– est utile en général, et indispensable en l'occurrence. Vous avez le droit de vous laisser une marge, vous avez le droit de craquer, bien que la pratique ne soit neutre ni socialement ni sur le plan environnemental, un achat compulsif de temps en temps ne vous tuera pas.
Tenez les comptes, même pour de petites commandes, assurez-vous simplement que vous restez dans les clous que vous avez vous-même fixés. Et peut-être, dans quelques mois, pourrez-vous avec l'argent économisé vous payer le véritable objet de vos rêves –et celui qui changera réellement votre quotidien.