Tim Cook, c’est le moins que l’on puisse dire, n’est pas un imbécile. Sans doute lit-il la presse économique, sans doute a-t-il entendu les alertes émises depuis quelques temps par les experts et observatrices, qui pointent la trop grande dépendance d’Apple envers l’iPhone, son produit phare.
L'iPhono-dépendance
La firme travaille donc depuis un moment à remodeler son business en misant, pour soutenir la croissance de son activité, sur la vente des services associés à ses appareils. L’AppStore, iTunes (dont la mort prochaine est annoncée), Apple Music, Apple News, un service de SVOD annoncé pour le printemps, un «Netflix des jeux vidéo» que l'on dit en discussion sont autant de nouvelles vaches à lait potentielles ou déjà réelles pour la firme de Cuppertino –n’oublions pas que 194 milliards d’applications pour smartphones ont été téléchargées en 2018, selon App Annie, ce qui représente une dépense colossale de 101 milliards de dollars (environ 88 milliards d’euros).
La publication, hier, des résultats financiers d’Apple pour le premier trimestre 2019 est riche d'enseignements. Cook avait, il y a quelques semaines, prévenu les investisseurs: la conjoncture n’étant pas au beau fixe, les chiffres allaient en pâtir. Effectivement, Apple a dévoilé pour cette période un chiffre d’affaires de 84,3 milliards de dollars (environ 74 milliards d’euros). Des sommes énormes en soi, mais qui sont bien moins élevées que celles sur lesquelles tablaient l’entreprise (entre 89 et 93 milliards de dollars). Surtout, ce chiffre n'atteint son équivalent de l'année passée sur la même période: les ouailles de Cook avaient amassé quelques 88,3 milliards de dollars. Il ne s'agit donc plus d'un ralentissement, mais d'une baisse significative.
L'iPhone trop cher pour le marché chinois?
Cook peut se rassurer en s'appuyant sur le chiffre ahurissant de 1,4 milliard d’appareils siglés d'une pomme achetés par les consommateurs lors de ce premier trimestre –soit près de 60 milliards de dollars (environ 52 milliards d'euros) de chiffre d’affaires mondial accumulés suite aux ventes du smartphone. Mais un autre résultat doit sans doute lui valoir quelques sueurs froides et encore plus de nuits blanches: la vente d’iPhone en Chine, un marché crucial pour la croissance d’Apple, est en chute libre. Les revenus issus de la région ont baissé de 27%. Un plongeon qui entraîne dans sa chute le chiffre global de l'opérateur –qui enregistre une vertigineuse dégringolade de 15%.
Apple explique notamment ces contre-performances par des remplacements moins fréquents d’appareils, quand certains médias et experts les mettent logiquement sur le compte des prix de la nouvelle gamme d’iPhone, beaucoup trop élevés pour les marchés émergents, en particulier face à des concurrents locaux (Huawei, Xiaomi ou Vivo, notamment) aux produits moins onéreux.
Que faire?
Le cercle vicieux –et potentiellement dangereux– dans lequel Apple est rentré semble se refermer: pour soutenir sa croissance, l'entreprise veut vendre plus de services; mais pour vendre plus de services, la firme de Cuppertino doit vendre plus d’iPhone.
Et si ses résultats sont loin d’être catastrophiques en soi, ce rappel à l'ordre du marché chinois pourrait contraindre la marque américaine à revoir beaucoup plus profondément, et en urgence, sa ligne de produits et sa politique commerciale. Les turbulences commerciales entre la Chine et les États-Unis risquent de ne pas lui faciliter la tâche.