Le 27 mai dernier, l'entreprise minière Rio Tinto a réduit en poussière deux grottes aborigènes vieilles de 46.000 ans. Ses travaux à l'explosif avaient pour but d'agrandir une mine de fer située dans le Pilbara, une région reculée de l'outback australien.
Les «propriétaires traditionnels» de ces sites ancestraux sont les membres du peuple Puutu Kunti Kurrama et Pinikura (PKKP). Ses représentants assurent n'avoir été mis au courant du dynamitage que le 15 mai, une fois que les explosifs étaient déjà placés et qu'il n'était plus possible de revenir en arrière.
Les négociations concernant la mine ont pourtant commencé en 2003. Une autorisation de destruction a été accordée à Rio Tinto en 2013, en vertu de l'Aboriginal Heritage Act de 1972.
Cette loi reconnaît l'importance de la préservation des sites aborigènes, notamment pour «fournir aux citoyens aborigènes l'environnement social dont ils ont besoin lorsqu'ils pratiquent encore leurs croyances traditionnelles».
Seulement, derrière ces bons sentiments, le texte ne permet pas aux propriétaires traditionnels d'apposer leur veto à un projet, seuls les propriétaires légaux ayant le droit de le faire.
L'Aboriginal Heritage Act impose uniquement, en cas d'éventuels dommages, que soit étudiée la valeur culturelle du site et qu'il soit donné un rôle consultatif aux populations aborigènes concernées. En cinquante ans, cette loi n'a quasiment pas changé.
Image éthique
Selon Bloomberg, l'affaire a également fait des remous en interne chez Rio Tinto. Ces dernières années, les investisseurs sont devenus davantage attentifs à l'image éthique des entreprises sur lesquelles ils misent et aux risques que comportent un scandale de ce type.
«Cela pose la question de ce qui est légal par rapport à ce qui est juste, résume Danielle Welsh-Rose, d'Aberdeen Standard Investments, l'un des actionnaires de Rio Tinto. Et c'est une chose que les entreprises et les investisseurs sont de plus en plus obligés de prendre en compte.»
Rio Tinto a finalement présenté ses excuses et annoncé qu'elle allait «revoir en urgence ses plans pour d'autres sites» dans la région. La réaction de la compagnie est sans doute liée à la crainte que la loi ne change en sa défaveur et qu'elle ne finisse par lui imposer des coûts supplémentaires –les fonds d'investissement ne s'en cachent pas, c'est au portefeuille que ces scandales à répétition risquent de les blesser.
«Les questions sociales sont tout aussi importantes que les questions environnementales, assure Debby Blakey, PDG du Health Employees Superannuation Trust Australia. Elles sont essentielles à la protection de la valeur actionnariale.» En attendant, cela ne rendra pas les grottes détruites aux aborigènes PKKP –et à l'humanité.