Le chiffre impressionne, plus encore s'il est comparé à la situation française: comme le relate Wired, 77,5% des véhicules achetés en Norvège en septembre 2021 étaient électriques quand, malgré une très forte progression, le même chiffre n'était que de 7,9% en France sur les premiers mois de la même année.
La Norvège, qui tire pourtant ses grandes richesses du pétrole, qu'elle exploite jusqu'ici abondamment, notamment son colossal fonds souverain, est donc en passe de réussir dès demain ou presque le pari que toutes les autres nations «vertes» rêvent d'atteindre un jour: ne plus vendre de véhicule à essence ou au diesel d'ici à 2025.
C'est bien sûr une excellente nouvelle pour l'environnement et un meilleur contrôle des émissions de gaz à effet de serre. Et c'est à la fois un modèle à suivre, mais un casse-tête pour les finances publiques du pays: la Norvège manque désormais cruellement de véhicules à taxer.
Car cette réussite est à mettre sur le compte de larges et anciennes incitations fiscales en faveur de l'électrique, qui, aujourd'hui, coûtent si cher au pays que son gouvernement de centre-gauche fraîchement élu pourrait décider de revenir en arrière.
Comme l'explique Wired, l'engagement public dans les véhicules électriques est une vieille histoire en Norvège, portée depuis les années 1980 par une intense campagne de lobbying menée par le militant écologiste Frederic Hauge, avec l'appui des membres du groupe A-ha.
Dès la fin des années 1990 et le début des années 2000, cette campagne de sensibilisation au public comme à ses responsables politiques a commencé à porter ses fruits. Les voitures électriques ont été exemptées du paiement du stationnement ou des péages routiers, ou autorisées à rouler dans les voies de bus.
Surtout, leur achat a été allégé de très lourdes taxes, y compris l'importante TVA. Bien plus tôt que partout ailleurs, les véhicules électriques sont devenus plus compétitifs à l'achat que leurs équivalents à combustion: pour les Norvégiens, le choix de la bascule n'en était presque plus un.
Mais le budget du pays a fini par en payer le prix: selon un chiffrage du précédent gouvernement de centre-droit, chaque année, le trou dans les finances norvégiennes est estimé à 19,2 milliards de couronnes, soit plus de 1,9 milliard d'euros.
Retour vers le futur
Pour un pays de cette taille, c'est un fardeau suffisamment lourd pour que l'idée d'une réinstauration de certaines de ces taxes finisse par faire consensus au sein des principaux partis en lice pour les élections: selon eux, la mission est accomplie et les véhicules électriques sont désormais suffisamment installés dans le paysage et les esprits norvégiens pour pouvoir revenir vers une taxation normale.
Les écologistes, bien sûr, sont moins ravis que les autres du retour de cette manne financière. Selon eux, le timing est peut-être mal choisi, notamment dans le cas d'une taxe sur les électriques d'occasion, qui pourrait tuer un marché crucial avant qu'il n'ait eu le temps de réellement prendre son envol.
D'autres critiquent le surcoût qui pourrait être imposé aux électriques de luxes d'une valeur supérieure à 60.000 euros, arguant que ces véhicules sont utiles dans les parties les plus rurales du pays, où les habitants font beaucoup de route.
Et si les ventes, très majoritairement électriques, sont une véritable victoire écologique pour le pays, il reste une longue route à parcourir pour électrifier complètement les routes du pays.
Ainsi, le parc automobile norvégien reste encore largement fossile. Les véhicules à batterie ne constituent que 15% de l'ensemble. Beaucoup de primo-acquérants pourraient à nouveau faire le choix du combustible si ce dernier devenait à nouveau plus intéressant à l'achat: une victoire, certes, mais la guerre contre l'essence n'est pas encore gagnée.