La chute mondiale des prix du pétrole, qui sont mêmes passés sous la barre de 0 dollar le baril, pourrait être perçue comme bénéfique pour le secteur aéronautique. Après tout, un carburant moins cher signifie des vols moins coûteux: idéal pour relancer une machine très largement grippée par la pandémie de Covid-19, imagine-t-on.
Il s'agit pourtant pour Boeing comme pour Airbus d'une très mauvaise nouvelle –qui pour le premier s'ajoute au marasme industriel dans lequel l'a plongé son 737 MAX.
Les dernières productions du duopole répondent à une promesse commerciale forte: réaliser des économies en consommant moins de kérosène. Or, de tous les carburants, c'est ce dernier qui s'effondre le plus vite.
À l'échelle mondiale, la demande de kérosène devrait chuter de 47% au deuxième trimestre 2020 par rapport à l'an dernier, selon des chiffres de S&P Global Platts repris par CNBC. Aux États-Unis, son prix a baissé de 65% entre janvier et la mi-avril.
Commandes négatives
L'argumentaire des deux constructeurs ne tient donc plus. Assommées voire abattues face à l'effondrement du trafic aérien, mais observant sans doute avec intérêt la chute du cours du kérosène, les compagnies aériennes annulent en masse leurs commandes.
«Un élément qui a permis à l'industrie de rester à flot lors de la crise financière de 2008 est que les prix du carburant étaient alors élevés», souligne Richard Aboulafia, un analyste du secteur de l'aviation.
Le spécialiste estime que le nombre net de commandes pour les deux constructeurs pourrait cette année atteindre le chiffre record de -1.000. Après une période faste pour les économes A320neo et 737 MAX, 2020 enregistrera ainsi davantage d'annulations que d'achats –pour Boeing, ce sera la seconde année consécutive.
Sa production à l'arrêt, Boeing a encaissé 150 annulations de commandes pour le seul mois de mars. Airbus a également été contrainte de réduire la voilure, sans toutefois l'interrompre complètement comme sa concurrente américaine.
Se confrontant lui aussi à un orage d'annulations, le constructeur européen a dû se résoudre à vendre aux enchères quatre A320neo et deux A321neo commandés par son client Air Asia qui, lui-même pris dans la tourmente, a finalement refusé d'en accuser réception.
Comme le suggère le cas de la Chine, la reprise du trafic aérien au sortir de la crise sera sans doute plus lente qu'espéré, plombée par des voyages d'agrément peinant à redécoller. Facteur agravant: l'impérative distanciation sociale pourrait signer la fin des vols peu coûteux, prévient l'Association internationale du transport aérien.