Pour l'instant, et malgré le souffle de la crise, l'édifice bancaire européen semble tenir bon. Si bon que certains établissements ont entamé un bras de fer avec la Banque centrale européenne (BCE) pour un retour de bonus et dividendes.
Mais parce que la surface des réalités peut être d'apparence trompeuse, les choses pourraient prendre une tournure beaucoup plus sombre dans les prochains mois.
Comme le relatent Les Échos, l'Autorité bancaire européenne (EBA) met en garde les établissements qu'elle régule face à l'océan de crédits impayés et impayables auquel ils vont bientôt devoir faire face: pour le secteur bancaire européen, 2021 pourrait être l'année d'une crise violente.
Si les mesures de soutien à l'économie venaient à tarir le flux d'argent frais injecté dans l'économie ou mettre un terme à certains moratoires sur les remboursements de crédits, une masse de créances jusqu'ici douteuses pourraient ainsi se transformer en impayés purs et simples. La menace est d'autant plus sérieuse que les banques n'ont pas encore fini d'éponger les actifs pourris issus de la crise de 2008.
Néanmoins, expliquent Les Échos, les établissements européens semblent préparés à ces évidentes éventualités et disposent de provisions et réserves suffisamment solides pour, dans l'immédiat, faire face à cette vague d'impayés.
«Bad bank»
Ce qui ne tire pas le continent d'affaire pour autant, loin s'en faut. Car si la tempête des défauts de paiement se mettait à souffler, ce qu'elle semble immanquablement devoir faire, la BCE craint que les banques n'aient d'autre choix que de resserrer, de manière drastique, les cordons de la bourse.
En asséchant ainsi l'offre de crédit, elles mettraient en péril le rebond de l'activité sur le continent et provoqueraient peut-être son entrée dans un cercle économique vicieux dont il serait difficile de s'extraire.
Depuis des mois, la BCE prépare donc un mécanisme permettant aux banques d'assainir leurs comptes en se défaisant, à peu de frais, de ces actifs toxiques.
Dans une tribune publiée fin octobre par le Financial Times, le président du conseil de surveillance prudentielle de la BCE, Andrea Enria, estimait que le niveau de ces créances douteuses pourraient, dans le pire des scénarios, atteindre 1.400 milliards d'euros, soit un niveau supérieur à ce qu'elles étaient lors de la crise financière de 2008 ou celle des dettes souveraines en 2011.
Andrea Enria expliquait que l'Europe avait besoin de sa propre forme de bad bank. Celle-ci permettrait aux établissements européens de se délester de leurs créances pourries en les transformant vers un marché secondaire.
Via ce mécanisme, les banques pourraient assainir des bilans parfois très trompeurs. Une source du Monde indique au quotidien que «près d'un quart des banques en Europe pourraient ne pas être viables», autant de banques zombies en devenir.
Une mutualisation des dettes et des pertes, souvent critiquée comme une aide d'État qui ne dit pas son nom, pourrait donc à nouveau sauver l'édifice dans son ensemble.