Vous pestez pour cet adaptateur secteur perdu entre Carcassonne et le Vanuatu quand vous l'attendiez tranquillement en livraison express sur le pas de la porte de votre domicile breton? Pour calmer vos nerfs et prendre votre mal en patience, pensez à la famille de Jeffrey Merriweather.
Le jeune homme de 32 ans, qui habitait la Géorgie aux États-Unis, est mort en 2019 dans ce qui était apparemment une fusillade. Logiquement, sa famille a réclamé des autorités compétentes la vérité quant aux causes réelles du décès, l'état du corps du défunt, en décomposition avancée lors de sa découverte, ne permettant pas une conclusion simple de l'affaire.
Las, le légiste du Fulton County attend toujours des nouvelles du laboratoire spécialisé de St. Louis auquel il a cherché à faire appel. Pour une seule et simple raison: ce dernier n'a jamais reçu le corps –ou du moins ce qu'il en restait–, qui a bizarrement été expédié via les services de FedEx.
Racontée par le Washington Post, l'histoire porte déjà en elle de quoi se faire dresser quelques poils sur les bras. Mais elle a connu un bien étrange rebondissement ces derniers jours, grâce à la magie (noire) de Twitter et des bots de FedEx.
Alors qu'un journal en ligne postait son récit de ce mystérieux égarement des restes de Jeffrey Merriweather par FedEx, un bot du transporteur répondait automatiquement au tweet du site par une offre d'aide d'une platitude effarante, comme s'il ne s'agissait que d'un vague colis anonyme perdu dans la vague masse des vagues colis anonymes.
La boulette
«@ajc [Atlanta Journal-Constitution, média d'information à l'origine du tweet en question], je suis vraiment désolé que vous ayez eu à subir cette expérience. Envoyez-moi s'il vous plaît un message direct, pour que je puisse continuer à vous aider», était-il envoyé par un ou une certaine «Gaby», dans une réponse depuis effacée mais visible ci-dessous.
Du sel par grosses poignées jeté sur le couteau que l'on remue dans la plaie ou, pour reprendre l'expression anglo-saxonne, «to add insult to injury»: l'humour très noir de cette gaffe robotique a bien entendu immédiatement enflammé Twitter, qui n'a pas manqué de se répandre en piquantes critiques et moqueries.
This entire thread is a tour de force in the absolute uselessness of using AI instead of employing people to deal with customers 😲 https://t.co/12ErOkU0XB
— Sandy (@the_sandstorm) July 15, 2022
AI is not always the answer. https://t.co/W4n2f56tol pic.twitter.com/QZ5ysP8CPZ
— Jennifer Brett 🇺🇦 (@Jennifer__Brett) July 15, 2022
Comme le note le Washington Post, l'ensemble de l'affaire pose d'autres questions plus sérieuses encore. Selon le règlement même de la firme, il est interdit d'envoyer des restes humains via les services de FedEx et, si le transporteur a certes perdu sans la retrouver la trace de feu Jeffrey Merriweather, la faute initiale semble être celle du légiste du Fulton County.
«Nos pensées et notre attention demeurent entiers pour la famille de M. Merriweather, en revanche, nous souhaitons que de plus amples questions soient adressées au bureau du médecin légiste du Fulton County», expliquait une communication officielle de FedEx effectuée en avril après la parution d'un article dans People.
«Les envois de cette nature sont interdits via le réseau FedEx», était-il précisé. L'US Postal Service peut en revanche, dans certaines conditions strictes, accepter de prendre en charge des colis si particuliers. Peut-être les services de FedEx étaient-ils moins coûteux, ce qui expliquerait le choix pour le moins malheureux du légiste radin.
L'Atlanta Journal-Constitution précise ainsi que les restes de chairs et d'os du pauvre Jeffrey Merriweather ont été envoyés le 5 juillet 2019 pour la somme de 32 dollars et 61 cents. Le paquet aurait dû mettre deux jours à arriver au laboratoire de St. Louis, mais sa trace a été perdue dans un centre de tri d'Austell, en Géorgie, apparemment coutumier de ce genre de disparition.
«C'est un cauchemar dont on ne peut se réveiller», avait commenté Kathleen Merriweather, maman de Jeffrey, à l'Atlanta Journal-Constitution –avant même que le bot de FedEx n'ajoute un chapitre à cet effectivement très, très mauvais rêve.