Il y a quelques mois, au creux d'une pandémie ayant mis à terre l'intégralité du secteur du tourisme, personne ne donnait très cher de la peau d'Airbnb. Le 10 décembre au soir, après une entrée fracassante sur les marchés boursiers, celle-ci valait pourtant de l'or.
Introduite à 68 dollars, l'action de la plateforme de location de courte durée a ainsi grimpé de 112,8% à 144,71 dollars quand la cloche de fin de séance a sonné à New York, offrant à la firme une valorisation boursière dépassant les 100 milliards de dollars.
C'est plus que les groupes Expedia et Marriott réunis –et c'est peut-être un nouveau signe que, comme à la fin des années 1990, une dangereuse nouvelle bulle est en train de se former autour des valeurs de la tech, notamment portée par le surgissement sur les marchés des traders amateurs d'applications comme Robinhood.
La question se pose avec d'autant plus d'acuité que la veille, la plateforme de livraison de repas DoorDash faisait presque aussi fort: elle réussissait, lors de sa propre IPO, à lever 3,4 milliards de dollars en finissant sa journée avec une valorisation ahurissante de 86 milliards de dollars.
«Absurde»
De telles valorisations dans ce contexte sont «absurdes», explique au New York Times James Gellert, analyste financier, prouvant l'«exubérance» actuelle du marché et faisant risquer aux investisseurs une grosse «gueule de bois».
C'est néanmoins une étonnante réussite pour le patron d'Airbnb, Brian Chesky, qui, en parallèle de coupes sévères dans sa masse salariale, a réussi à recréer une narration positive autour d'une entreprise que tout le monde croyait logiquement perdue pour de bon.
Comme le décrit le New York Times, le document présenté par Airbnb aux investisseurs potentiels expliquait ainsi que la firme avait inventé un nouveau type de voyage, un tourisme sain, une cure pour la solitude, et une source de revenus bienvenue en cette période de crise globale.
Loin de la clouer au pilori, la pandémie aurait même, à en croire Chesky, clarifié sa vision du futur, dans laquelle selon lui les gens «vivront partout».
C'est, bien sûr, mettre volontairement de côté le fait que le modèle d'Airbnb reste d'une grande fragilité, et qu'il dépendra notamment du bon vouloir d'autorités locales qui, partout dans le monde, constatent avec effroi les effets dramatiques de l'ubérisation du tourisme sur les marchés immobiliers.