Les kilomètres de files de poids lourds devant le tunnel sous la manche à Douvres, que l'on avait pu voir fin décembre suite à la fermeture brutale des frontières, ont certes disparu. Le Brexit a pourtant laissé des traces qui risquent d'impacter le trafic pendant pas mal de temps encore.
Selon la Road Haulage association, citée par le journal The Telegraph, la moitié des camions retournant vers l'Europe au point de passage de Douvres sont vides, en raison des difficultés des entreprises britanniques à exporter.
«Entre 40% et 50% des camions de retour en Europe ne transportent rien d'autre que de l'air frais», ironise Richard Burnett, directeur général de l'association, expliquant que le niveau normal est plutôt de 15% à 18%.
Habituellement, les sociétés de transport amenant des marchandises européennes vers le Royaume-Uni essayent d'organiser des chargements de produits dans le sens retour, afin d'optimiser les trajets.
Mais depuis le Brexit, entré en vigueur au 1er janvier 2021, les entreprises sont confrontées à des procédures administratives complexes pour exporter leurs biens vers l'Europe.
«Les entreprises de transport sont submergées de demandes de clients qui cherchent désespérément de l'aide pour remplir les nouveaux documents», témoigne Richard Burnett dans The Telegraph.
Poids lourds-légers
Selon un représentant du Bureau du Cabinet britannique, 1 camion sur 10 est refoulé à la frontière en raison de l'absence des documents en règle.
Plutôt que de faire face à la paperasse et de payer des amendes inattendues à la frontière, de nombreuses sociétés britanniques ont tout simplement renoncé à exporter.
Dans le textile, certaines envisagent carrément d'abandonner voire de brûler leurs produits refoulés à la frontière plutôt que de payer les amendes ou de les ramener chez eux.
En janvier, Mark & Spencer a décidé de suspendre la vente de ses sandwichs en France et DPD, qui appartient au groupe La Poste, a cessé toutes les livraisons de colis du Royaume-Uni vers l'UE. La première semaine, 20% des paquets avaient dû être renvoyés aux expéditeurs, rappelle Le Monde.
Cette gestion chaotique occasionne des coûts additionnels pour les transporteurs. Certains ont ainsi multiplié leurs tarifs par dix pour répercuter les trajets à vide et couvrir les coûts de détention pendant des jours à la frontière.
Le déséquilibre entre les importations et les exportations pourrait encore empirer dans les mois à venir, lorsque les volumes des échanges augmenteront et que les stocks accumulés par les entreprises britanniques avant Noël en prévision d'un non-accord seront épuisés, s'inquiète Richard Burnett.
Selon les prévisions de l'assureur Allianz, les exportateurs britanniques vont perdre de 13 milliards à 27 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2021, soit entre 0,6% et 1,1% du PIB. Les chauffeurs, eux, circuleront avec des poids lourds un peu plus légers.