Bienvenue dans le monde d'un crime bien organisé: celui des faux commentaires sur le site marchand Amazon. Voici l'histoire d'Eli Reiter, un journaliste indépendant américain qui confesse dans OneZero comment il a obtenu des produits gratuits pendant neuf mois, en échange de la publication d'avis sur Amazon.
Contacté sur Facebook par un profil qui lui promet des articles «100% au rabais», il clique et suit la longue procédure qui noue un premier partenariat. Eli Reiter doit d'abord taper des mots-clés spécifiques dans Amazon pour effectuer la recherche, puis trouver le bon produit – en l'occurrence, une chaise et les roues qui vont avec. Il doit enfin commander, payant au passage une somme de 196.72 dollars [172 euros], puis écrire un avis cinq étoiles une fois le produit reçu.
«Dans le pire des cas, je me suis dit que je pouvais renvoyer la chaise et me faire rembourser», explique le journaliste qui anticipait l'arnaque. Le produit arrive. Eli Reiter écrit le commentaire. «Elle marche, je suppose!» et laisse les fameuses cinq étoiles. Deux jours plus tard, les 196.72 dollars arrivent sur son compte PayPal.
Trafic d'algorithme
«Plus je laissais de commentaires, plus des comptes Facebook me contactaient pour me demander de commenter.» Aucun ne transmettait de lien direct vers les articles à acheter. «Ils me donnaient des mots-clés, le prix exact et le nombre de commentaires de l'article, pour que je puisse le chercher et le sélectionner moi-même, un processus qui pourrait améliorer le classement de l'article.»
Personne ne sait vraiment comment fonctionne l'algorithme de la plateforme. Tous les avis n'ont pas la même portée, mais de manière générale, Amazon semble donner plus de valeur à un produit aimé et commenté par les client·es. Les théories sont légions: les vieux avis perdent sûrement en qualité avec le temps, les achats non vérifiés semblent moins importants, etc.
Le marché noir des avis sur Amazon était d'ailleurs plus ou moins légal jusqu'en 2016. L'un·e des 2,5 millions de vendeuses et vendeurs de la plateforme pouvait offrir une réduction en échange d'un texte élogieux, bien qu'Amazon ait parfois engagé des actions en justice, notamment contre des personnes qui en faisaient un business, via le site de salarié·es indépendant·es Fiverr par exemple.
En 2016, cependant, l'entreprise a modifié ses règles: il est depuis interdit de faire ce genre de commerce. Pour les groupes de petites mains en Inde ou au Bangladesh, mettre en ligne les reviews illégales doit donc se faire à l'insu d'Amazon et de la Commission fédérale des échanges américaine (FTC). Sous peine, entre autres, de voir les produits retirés, le marchand banni ou encore d'être attaqué jusqu'au tribunal. Un durcissement qui, pourtant, ne semble pas suffisant pour enrayer la tendance.