Le 4 décembre 2018, les États-Unis ont opéré une véritable révolution dans l'industrie du cannabis. Une nouvelle loi sur l'agriculture signée par Donald Trump a légalisé au niveau fédéral la production de chanvre dont la concentration en tétrahydrocannabinol (THC) n'excède pas 0,3%.
L'industrie du cannabis n'a pas tardé à s'engouffrer dans la brèche en trouvant le produit idéal: le cannabidiol (CBD), une molécule du chanvre n'ayant pas les propriétés stupéfiantes du THC mais à laquelle on prête de nombreuses vertus thérapeutiques.
Ruée vers l'or vert
Outre-Atlantique, le CBD est désormais partout. Cosmétiques, bonbons, sels de bain, chocolat, bière, produits pour chiens: à peu près tous les biens de consommation courante auxquels vous pouvez penser existent en version infusée au CBD. La croissance soudaine et massive du secteur est même comparée à une nouvelle ruée vers l'or.
L'industrie pèserait déjà un milliard de dollars. Selon certains analystes, elle pourrait atteindre 24 milliards de dollars (21,6 milliards d'euros) d'ici 2023, grâce à l'arrivée d'acteurs mainstream sur le marché. CVS et Walgreen, les deux plus grandes chaînes de pharmacie du pays ont d'ores et déjà franchi le pas.
Produit miracle
Le message est simple: le CBD est un produit miracle qui a trop longtemps été injustement banni. Et maintenant que cet or vert est totalement légal, tout le monde peut profiter de ses bienfaits.
Pour répandre leur bonne parole, les producteurs poussent à fond la carte de la normalisation, en ouvrant des magasins dans des centres commerciaux et en s'éloignant de l'image traditionnelle de la weed –dealers violents et ados défoncés.
Le site de Curaleaf, l'un des leaders du secteur, pourrait être celui de n'importe quelle marque de cosmétiques. Design épuré, tons clairs, l'entreprise veut montrer qu'elle est une marque de wellness comme les autres.
L'argument massue de l'industrie du CBD reste son effet sur la santé, pour lequel les publicitaires n'ont pas de mots assez forts pour le vanter. Du mal de tête au cancer en passant par les douleurs liées aux règles, l'insomnie ou l'épilepsie, les vertus du CBD seraient sans limite.
Le CBD du docteur Doxey
À les écouter, le CBD est donc un produit non seulement parfaitement légal, mais aussi bénéfique en tout point. Or, ces affirmations sont au mieux discutables. La FDA, l'agence fédérale chargée d'autoriser ou non la commercialisation d'aliments et de médicaments, les nuance fortement.
Le 17 juillet, la FDA a appelé à la méfiance et précisé que si le CBD n'était pas à proprement parler illégal, parmi les milliers de produits sur le marché, elle n'en avait officiellement approuvé qu'un seul, un médicament contre une forme rare et sévère d'épilepsie.
Malgré ses effets bénéfiques prouvés, le CBD pourrait causer des effets secondaires fâcheux, sur le foie par exemple. Les recherches de la FDA à ce sujet sont en cours mais nécessitent des tests longs et minutieux, loin d'être terminés.
En attendant, des milliers de produits déferlent sur le marché. L'agence, qui ne peut tous les tester, mène une politique de laisser-faire tout en forçant les entreprises à arrêter de promettre n'importe quoi.
Les vendeurs du produit sont régulièrement accusés de gonfler les mérites de la molécule. On les compare même aux charlatans qui écumaient le Far West en calèche pour refourguer de faux élixirs miracle.
Ni entièrement légale, ni sans danger
Il est vrai qu'au milieu de l'avalanche de produits, bon nombre d'entre eux recèlent un taux de THC supérieur au maximum autorisé, affichent des quantités de CBD mensongères ou contiennent des produits toxiques. D'autres, comme la nourriture infusée au CBD, sont tout à fait illégaux et pourtant largement disponibles.
En mars 2019, Elavon Inc., une grande unité de traitement des transactions par carte de crédit, a coupé les ponts avec les entreprises qui commercialisent la molécule. Or, Elavon gérait 90% des marchands en ligne de CBD.
Elle s'est justifiée en déclarant que «vu la rapidité à laquelle évolue le cadre des régulations fédérales, il est extrêmement difficile de valider les qualifications requises pour opérer au sein de cette industrie».
Autrement dit, contrairement à ce qu'elle voudrait faire croire, l'industrie du CBD n'est ni entièrement légale, ni normalisée, ni sans danger. En revanche, ce qui est bien réel, c'est qu'elle pèse un milliard de dollars et semble déterminée à continuer sur sa lancée.