En Chine, n'importe quel achat peut s'effectuer sur smartphone. Les groupes Alibaba (Taobao, Tmall) et Tencent (WeChat) ont créé des applications tout-en-un: une fois dans leurs écosystèmes, on peut discuter, photographier, poster, regarder et surtout acheter.
Rien d'étonnant à ce que le téléachat y ait évolué en un gigantesque business d'influencers qui livestreament des produits à prix cassés via les caméras de leurs smartphones. Leur empire représente désormais plus d'un quart des ventes au détail du pays, soit plus de 60 milliards d'euros.
La tête de gondole du conglomérat Alibaba est Viya, reine du téléachat 2.0 de la plateforme Taobao. Mélange d'émission de variétés, de publicité et de discussion de groupe, son show a atteint un nouveau record d'audience en mai, en réunissant plus de 37 millions d'internautes –davantage de monde que pour l'épisode final de Game of Thrones.
Nouvelle vague d'influencers
Dans un passionnant portrait de Bloomberg, la star explique «se positionner comme quelqu'un qui aide le consommateur à prendre une décision». «Très précisément, ajoute-t-elle, mon ambition est d'offrir à mes fans tout ce dont ils pourraient avoir besoin. Des sonnettes, des tapis, des brosses à dents, des meubles, des matelas, tout.»
Sa stratégie est redoutable: avec ses vêtements décontractés, une production en apparence peu soignée et son art du décompte avant la publication des coupons en ligne, Viya réussit à créer une grande proximité avec la clientèle, qui pour rien au monde ne manquerait ses rabais, présentés comme exceptionnels.
La crise du Covid-19 a toutefois poussé une toute nouvelle vague d'influencers sur le devant de la scène chinoise, presque par accident. Fu Chenyuan a par exemple dû numériser toute sa collection de blouses et de chaussures européennes pour assurer la survie de son magasin vieux de 14 ans. Timide devant la caméra de son iPhone, elle a improvisé et rencontre depuis un grand succès en ligne: désormais, 70% de ses ventes découlent de ses livestreams.
D'autres marques moins discrètes, comme celles du groupe Procter & Gamble, Gap ou Louis Vuitton, se sont elles aussi lancées, afin d'aller chercher sur leur canapé les millions de client·es ayant déserté les magasins lors de la pandémie. Si les ventes au détail chinoises ne sont pas revenues à leur niveau d'avant-Covid, le e-commerce a permis de limiter les dégâts.
«Cette année est un point tournant pour l'industrie, et je le disais déjà avant la pandémie, assure Alves Huang, le PDG de l'entreprise produisant l'émission de Viya. Mais la pandémie a poussé beaucoup de vendeurs physiques à vendre en ligne, et avec toutes les personnes connues qui entrent dans le jeu, l'industrie attire toutes les attentions.»