Des policiers chinois patrouillent en juin 2019 à Kachgar, la capitale de la province du Xinjiang, où résident la majorité des Ouïghours. | Greg Baker / AFP
Des policiers chinois patrouillent en juin 2019 à Kachgar, la capitale de la province du Xinjiang, où résident la majorité des Ouïghours. | Greg Baker / AFP

Ouïghours, NBA, «South Park»: la guerre sino-américaine s'étend à la culture et aux droits humains

Le bras de fer commercial est en train de se transformer en bataille de civilisation.

Le département du Trésor américain a placé sur liste noire vingt-huit organismes, dont huit entreprises du secteur des nouvelles technologies, estimant qu'elles participent au système de répression des «Ouïghours, Kazakhs et autres membres de minorités musulmanes» dans la région du Xinjiang.

D'après l'ONU, la Chine détient en ce moment même plus d'un million de musulman·es du nord-est du pays dans des camps de «rééducation». De nombreux témoignages font état de cas de torture et d'endoctrinement.

Les droits humains comme prétexte

Parmi les entreprises visées se trouvent Hangzhou Hikvision Digital Technology Co., Zhejiang Dahua Technology –toutes deux spécialisées dans la vidéosurveillance–, Megvii –qui produit des algorithmes de reconnaissance faciale– et Sense Time –la start-up d'intelligence artificielle la plus valorisée au monde (4,1 milliards d'euros).

Jusqu'ici, lorsque les États-Unis avaient placé des entreprises chinoises sur liste noire, c'est plutôt l'argument de la sécurité intérieure qui était mis en avant, notamment au sujet de Huawei. Les huits entreprises en question rejoignent donc le géant des télécoms sur l'«Entity List», qui leur interdit de faire du business avec des sociétés américaines.

On sait que nombre d'entreprises high-tech chinoises collaborent avec leur gouvernement pour mettre en œuvre un système de surveillance totalitaire.

Mais il est quelque peu difficile de croire sur parole le département du Commerce américain qui affirme que sa décision n'a «aucun lien avec les négociations commerciales en cours» et ne constitue pas un simple levier supplémentaire.

D'autant que les États-Unis ne peuvent, de leur côté, se targuer d'un bilan sans tache et d'une probité totale sur la question du respect des droits individuels.

Si les conditions de détention sont sans commune mesure avec la situation dans le Xinjiang, le gouvernement Trump a été maintes fois accusé de violer les droits humains à la frontière mexicaine. Et lui aussi, comme son homologue asiatique, fait appel aux entreprises américaines pour lui fournir matériel et logiciels nécessaires.

Tout le monde au pas (sauf «South Park»)

Brandie par leur gouvernement comme un argument massue, cette question des droits humains semble laisser de marbre les multinationales américaines, qui préfèrent souvent le yuan à des principes qu'elles claironnent par ailleurs. Rien qu'en ce début de semaine, une association sportive de notoriété internationale et une grosse société d'édition de jeux vidéo ont démontré leur déférence à l'État chinois.

La NBA a ainsi publié un communiqué d'excuse officiel dénonçant un message «inapproprié» et ayant «sérieusement blessé les fans chinois de basket» de la part de Daryl Morey, le directeur général de l'équipe des Houston Rockets.

La raison de cette repentance? Un tweet rapidement effacé soutenant les manifestations hongkongaises contre Pékin. Un mouvement populaire en Occident mais beaucoup moins en Chine, très friande de basket américain. Ce simple tweet a donc poussé la télévision publique chinoise à annoncer l'arrêt de la diffusion de la NBA, ce qui a précipité les excuses de cette dernière.

Dans un cas similaire et pour les mêmes raisons, Blizzard Entertainment, le développeur américain des jeux vidéo Overwatch, World of Warcraft ou Hearthstone, a banni un joueur de e-sport hongkongais de ses compétitions et annulé son prix après qu'il a soutenu les manifestant·es de son pays pendant un stream.

Cela ne concerne pas que les entreprises américaines: en 2018 par exemple, Mercedes-Benz s'était platement excusée auprès avoir commis l'affront de poster une citation du Dalaï-lama sur Twitter.

Exception notable: l'irrévérencieuse South Park, la chaîne qui la diffuse –Comedy Central– et, surtout, le géant de l'audiovisuel qui la possède –Viacom. Dans un épisode nommé «Band in China», la série s'est attiré les foudres du gouvernement chinois avec un joli trio d'offenses: elle a fait référence au mème, censuré dans le pays, comparant Xi Jinping à Winnie l'ourson, s'est penchée sur la situation des Ouïghours et, enfin, s'est moquée de la manière dont Hollywood adapte désormais ses films et séries pour ne jamais déplaire aux autorités de ce gigantesque marché.

En réponse, la série a purement et simplement été bannie du pays, sous toutes ses formes, sur toutes les plateformes, y compris les réseaux sociaux. Ses créateurs, Trey Parker et Matt Stone, ont réagi en publiant sur Twitter de fausses excuses particulièrement offensives et plutôt culottées. Viacom, qui a pourtant de très gros intérêts en Chine, n'a pas réagi et semble soutenir ses deux chiens fous.

Mais pour un bon nombre de multinationales, la Chine est un marché qui représente simplement trop d'argent pour pouvoir le perdre. Une étude du US-China Business Council estimait en août que, malgré les appels répétés de Donald Trump, seule une minorité d'entreprises présentes en République populaire comptent quitter le pays.

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