Le Guardian n'y va pas par quatre chemins: selon le quotidien britannique, c'est la «plus grave crise immobilière que le monde ait jamais connu» qui pourrait en ce moment-même se profiler en Chine.
À la suite des coûteuses mésaventures du mastodonte Evergrande, le marasme attendu serait si brutal qu'il pourrait faire trembler le régime de Xi Jinping et, surtout, mettre un peu plus en péril une économie mondiale déjà mal en point.
Il y a quelques jours, la fuite d'un memo signé du patron de Huawei, Ren Zhengfei, embrasait les réseaux sociaux chinois. Le magnat annonçait ainsi à la Chine comme au monde une décennie de difficultés économiques profondes, au souffle froid duquel nul n'échapperait, dans l'empire du Milieu comme ailleurs.
De quoi paniquer un peu plus les propriétaires chinois qui, en masse, ont décidé ces dernières semaines de mener une «grève des remboursements», notamment face aux difficultés rencontrées par des promoteurs plus ou moins honnêtes pour boucler les innombrables projets lancés mais jamais terminés.
Le marché, qui a connu une baisse des locations de 40% cette année suite à une reprise en main de la part du Parti communiste chinois, est colossal. Selon le Guardian, il pèse dans le pays une bagatelle comprise entre 55 et 60 mille milliards de dollars, soit plus que l'ensemble des entreprises listées dans les bourses américaines.
Il porte la croissance du pays depuis deux décennies, mais est à l'arrêt. Depuis le désastre Evergrande, les promoteurs immobiliers font face à une surveillance accrue de leurs activités et des crédits, autrefois illimités, qui leur sont octroyés.
Dans certaines parties du pays, les prix s'effondrent, et la demande se fait de plus en plus rare; la politique extrêmement stricte du gouvernement chinois face au Covid-19 n'aide en rien l'activité du secteur. Partout, les bâtiments non-finis constellent le paysage et le pays comprendrait 65 millions de logements non-habités, signes de la crise qui se dessine depuis quelques saisons déjà.
Château de cartes
Les autorités du pays pourraient décider de lâcher à nouveau un peu la bride pour offrir aux promoteurs un accès à de nouvelles lignes crédits, mais ce serait le signe d'une erreur dans la politique passée. Une faiblesse que le gouvernement de Xi Jinping, qui ne tolère plus la pure spéculation autour du marché des logements, ne veut sans doute pas se permettre.
«Il y a eu un effondrement complet de la confiance dans le marché du logement. Aucune industrie ne peut survivre à ça», explique au Guardian Gabriel Wildau, expert pour la firme Teneo.
C'est d'autant plus grave que si le secteur industriel chinois a pour l'instant fait mieux que résister au ralentissement mondial ayant suivi la crise du Covid-19, celui-ci pourrait, dans un contexte de guerre russe en Ukraine, de crise de l'énergie et d'inflation galopante, revenir hanter l'économie du pays comme un boomerang. Le coup de grisou est par ailleurs déjà sensible dans toute l'Asie.
Un cocktail dangereux pour le pays, ses dirigeants, comme pour le monde dans son ensemble. Chief strategist pour la firme australienne Nucelus Wealth, David Llewellyn-Smith n'est d'ailleurs pas des plus optimistes quant à ce qui se profile.
«Le secteur privé se fait crucifier par Omicron, les exportations sont écrasées par la faiblesse de la demande globale, et le secteur public fait ce qu'il peut pour remettre un peu d'ordre mais doit composer avec certaines timidités en termes de politique fiscale. C'est un combo très toxique pour la Chine. Très complexe à gérer.»
Une récession chinoise n'est donc pas à exclure, et celle-ci aurait, à l'évidence, des répercussions importantes pour le reste des économies mondiales. Si le colossal marché de l'immobilier du pays venait à s'effondrer tout à fait, le scénario du pire semble même des plus plausibles, et même une intervention massive du gouvernement central pourrait ne pas suffire.