Le nom d'Ajinomoto vous est peut-être familier. Créée en 1909 au Japon, l'entreprise est devenue un géant japonais de l'agro-alimentaire. Elle est surtout célèbre pour le AJI-NO-MOTO, le glutamate monosodique (MSG), inventé par son fondateur et chimiste Kikunae Ikeda au début du siècle, et devenu l'un des piliers de la cuisine asiatique, offrant la fameuse saveur umami à nombre de plats.
Mais saviez-vous que la firme nippone, qui explique sur son site officiel «exploiter le potentiel des acides aminés pour travailler à résoudre les questions de santé et d'alimentation dans le monde», n'était pas centrale que sur nos tables, mais également dans nos ordinateurs?
C'est ce qu'explique Quartz, qui revient sur l'excellente forme financière de l'entreprise –qu'elle doit plus aux micro-processeurs qu'à l'umami. Car Ajinomoto est avant tout une entreprise de la chimie, et est l'inventrice d'un film isolant nommé ABF (pour «Ajinomoto build-up film substrate»), utilisé dans un grand nombre de processeurs et semi-conducteurs dans le monde.
L'origine de l'ABF est, d'une certaine manière, la même que celle du glutamate monosodique: le laboratoire de chimie. La production du premier est ainsi une poursuite de celle du second: créer du glutamate monosodique génère un sous-produit, les paraffines chlorées, que l'ajout d'agents durcisseurs de l'epoxy, des produits utilisés dans le monde des adhésifs, transforme en un film aux propriétés isolantes intéressantes.
Ajinomoto s'en est rapidement rendu compte, et à sa suite l'industrie des semi-conducteurs, qui a trouvé dans l'ABF un produit simple et peu coûteux pour isoler ses circuits et processeurs.
Surtout, l'ABF était bien plus rapide à mettre en œuvre que les procédés industriels précédents: la branche d'Ajinomoto consacrée à ces produits techniques a donc pu surfer sur l'explosion de la demande mondiale en semi-conducteurs et produits électroniques nécessitant l'utilisation de son produit. On trouve désormais de l'ABF dans 90% des ordinateurs personnels du monde.
Condiment, l'achat gagnant
L'alimentation reste la principale source de revenus d'Ajinomoto mais, comme l'explique Quartz, les «matériaux fonctionnels» de l'entreprise japonaise, et en premier lieu l'ABF, ont représenté 23% de son chiffre d'affaires en 2021, contre 16,7% l'année précédente.
En chiffres d'affaires, cela représente un bond appréciable de 327 à 439 millions de dollars (308 à 414 millions d'euros). La pandémie, le développement du travail à distance et la demande croissante en ordinateurs ont donc été particulièrement bénéfiques à Ajinomoto.
Et si le marché s'est quelque peu tassé depuis, l'entreprise reste persuadée que son ABF a encore un bel avenir: portée notamment par l'essor de la 5G ou celui des data centers, la demande devrait continuer de croître de 18% par an jusqu'en 2025, avec un marché global qui pourrait représenter 6,5 milliards de dollars (6,1 milliards d'euros) en 2028 selon Absolute Reports.
Ajinomoto n'est pas la seule à vouloir goûter à ce beau gâteau, et la concurrence aiguise ses arguments pour venir lui chiper quelques parts de marché. AT&S, qui fournit le même type de produits à Intel, vient ainsi d'investir la bagatelle de 2 milliards de dollars dans une usine flambant neuve en Indonésie.
Pour ne pas perdre de son élan, la firme japonaise continue donc à chercher de nouveaux produits pour le futur de l'informatique, notamment quantique. D'ici là, son condiment continuera quoi qu'il arrive à remplir nos assiettes, et ses caisses.