Après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, les puissances occidentales se sont accordées pour punir non seulement l'État russe, mais aussi ses milliardaires. Le pouvoir poutinien est organisé de manière quasi mafieuse et les oligarques, qui profitent des largesses de l'État en échange de leur obéissance, en sont les principaux rouages.
Yachts, avions privés, villas de luxe… il n'y a qu'à se pencher pour trouver en Europe des biens à saisir. Mais si les chalets dans les Alpes et les villas du sud de la France sont prisés par les hommes d'affaires russes, c'est bien Londres qui constitue leur pied-à-terre favori sur le Vieux Continent.
Comme le détaille une enquête du New Yorker, le Royaume-Uni ouvre volontiers ses portes aux investissements douteux, tant qu'ils sont assez élevés. Depuis 2016, l'ONG anti-corruption Transparency International a pu tracer 1,7 milliard d'euros environ de fonds provenant de Russes liés au Kremlin ou accusés de corruption, investis dans l'immobilier anglais. Et ce n'est qu'une petite partie du total.
Blanchisserie à l'anglaise
La grande majorité de ces biens sont concentrés dans les quartier cossus de Londres, où des journalistes ont maintes fois révélés qu'agences immobilières, comptables et cabinets d'avocats se plient en quatre pour accommoder leur clientèle en toute discrétion. Même la Commission du renseignement et de la sécurité du Parlement a qualifié la capitale de «blanchisserie» pour les fortunes russes.
Les écoles prestigieuses peuvent accueillir leur progéniture, les clubs de foot, galeries d'art et universités leurs généreux investissements: Londres a tout pour plaire.
Le phénomène est tel qu'il a donné naissance à son propre jargon. Les iceberg houses sont des maisons dotées de gigantesques sous-sols afin d'accommoder piscine, salle de sport et home cinema. Les Londoniens se plaignent aussi des ghost streets bordées de gigantesques villas occupées par leurs propriétaires quelques semaines dans l'année seulement.
Gouvernement apathique
En réponse à la guerre en Ukraine, Boris Johnson a promis qu'il n'y avait «aucune place pour l'argent sale au Royaume-Uni» et que les alliés de Poutine n'auraient «nulle part où cacher leurs biens mal acquis». Pour cela, il veut accélérer la mise en place d'un plan annoncé en 2014 par David Cameron, mais jamais mis en œuvre alors que le Parti conservateur loge à Downing Street sans interruption depuis 2010.
En 2014, Lubov Chernukhin, la femme d'un ancien ministre des Finances de Vladimir Poutine, avait fait don au Parti conservateur de 160.000 livres (190.000 euros) en échange d'un match de tennis avec David Cameron et Boris Johnson, alors maire de Londres. Interrogé en 2018 à ce sujet, l'actuel Premier ministre avait déploré le «miasme de la suspicion» dirigé vers «tous les riches russes de Londres».