Depuis les années 1950 et les travaux de l'architecte Victor Gruen, toute l'architecture des supermarchés et centres commerciaux est basée sur un objectif: nous faire acheter des choses pour lesquelles nous n'étions pas venus. Et à ce petit jeu, personne n'est plus efficace qu'Ikea.
Lors d'une interview à Vox en 2018, Richard La Graauw, le directeur créatif d'Ikea aux États-Unis, estimait que 20% des achats effectués dans ses magasins sont basés sur «la logique et les besoins» de sa clientèle. Les 60% restants trouvent leur source dans «les émotions». Autrement dit, ce sont des achats impulsifs.
Pour cela, l'enseigne suédoise est passée maîtresse dans l'art d'exploiter certains des mécanismes psychologiques qui sous-tendent nos décisions. Le moyen le plus connu est bien sûr le labyrinthe à sens unique, par lequel tout le monde doit passer. Selon The Hustle, lorsqu'un client fait un tour dans un magasin classique, il voit environ 33% de son catalogue. Chez Ikea, la clientèle doit passer devant 100% des articles proposés.
Ce labyrinthe est toutefois loin d'être le seul stratagème du magasin de meubles et de décoration. L'une de ses tactiques est par exemple de placer ici et là des price decoys («leurres tarifaires»), des articles intentionnellement trop chers qui ne sont pas là pour être vendus mais pour mettre en valeur les autres produits.
Ainsi, les options low cost paraissent être de bonnes affaires, et les prix des produits «premium» ne semblent pas beaucoup plus élevés que ceux de la gamme en dessous.
Des boulettes pour faire tourner la tête
Par ailleurs, les grands paniers remplis de doudous, plaids ou oreillers qui ne coûtent que quelques euros ne sont pas éparpillés dans les rayons par hasard. Afficher des prix très bas un peu partout contribue à notre impression globale que les bonnes affaires sont légion.
La même logique s'applique aux tarifs pratiqués dans le restaurant. Puisque c'est un achat que l'on fait rarement, il peut être difficile de se représenter ce qu'est le juste prix d'une commode ou d'un canapé. En revanche, tout le monde ou presque connaît le prix d'un repas au restaurant; si le déjeuner est bon marché, c'est sûrement que le reste du magasin l'est aussi.
Autre avantage du système Ikea: les meubles en kit. The Hustle raconte une expérience de la Harvard Business School lors de laquelle les cobayes devaient mettre un prix sur des origamis.
Les participants ayant dû le plier eux-mêmes ont estimé un prix supérieur à ceux à qui on avait fourni l'origami tout fait. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, devoir s'impliquer dans la création d'un bien nous pousse à surévaluer sa valeur.