Alors que l'automne est propice, sous nos latitudes, à la chute des feuilles mortes, cette saison est en Corée du Nord et pour Kim Jong-un, cette année, celle des missiles qui tombent.
Depuis quelques semaines, le leader du pays ne cesse de faire joujou avec de gros projectiles balistiques, balancés comme on fait sauter du popcorn; de s'entraîner à attaquer le voisin du Sud, le Japon voire le plus lointain ennemi américain; de menacer l'intégralité de la région d'exploser de toute la puissance de son ire suprême après des exercice menés par Washington et Séoul.
Il reste pourtant une petite place pour le divertissement dans le pays le plus fermé du monde: ainsi que le relate NK News, une «Women's Clothes Exhibition», un salon du prêt-à-porter féminin donc, s'est tenue entre le 27 octobre et le 9 novembre à Pyongyang, dans un bâtiment plutôt habitué aux expositions militaires.
Il est à noter que l'événement était réservé aux femmes entre 30 et 40 ans: plus jeunes, elles sont supposées porter des uniformes militaires ou scolaires.
Une fashion week locale, l'occasion de montrer au monde toute l'étendue de la créativité sans frein des designers nord-coréens et nord-coréennes? Pas tout à fait: dans le régime totalitaire asiatique, et par nature, rien n'échappe à l'œil central des instances spécialisées du Parti des travailleurs de Corée.
Inventeur du vinalon, parfois décrit comme l'un des tissus les plus moches et désagréables à porter au monde, mais longtemps produit (et exporté) en masse, le pays ne laisse aucune latitude à d'éventuels créateurs pour faire bouger les lignes.
Comme la capilliculture, la mode est une affaire d'État voire d'idéologie –on parle parfois de la «juche couture», du nom de la philosophie fondant l'autoritarisme autocratique et autarcique de la nation.
Automne-hiver (2003)
Comme l'explique NK News, le bureau central des arts industriels envoie des modèles aux usines, ou approuve chacun de ceux que ces dernières peuvent éventuellement lui proposer.
Le site rapporte tout de même que, si tout vêtement produit en Corée du Nord doit recevoir l'approbation formelle et préalable des instances centrales, les options se sont élargies pour les femmes, de plus en plus influencées par ce qu'elles peuvent entr'apercevoir de l'extérieur grâce à leur exposition (plutôt mal vue) aux joies des médias étrangers.
Dans le plus pur style local, le dirigeant d'une boutique de prêt-à-porter s'est ainsi extasié auprès de la presse locale que «seules les personnes privilégiées dans les autres pays peuvent porter une telle variété de produits, fabriqués en utilisant des technologies de pointe».
Bien éloigné sans doute des tsunamis permanents de «fast sapes» aux conséquences sociales et environnementales dramatiques de SheIn et consorts, le même homme a ajouté que «seule [leur] nation socialiste –le meilleur pays du monde– permet aux femmes ordinaires de porter de magnifiques vêtements correspondant à leurs goûts au au contenu de leur cœur».
Outre quelques innovations folles comme les essayages virtuels sur des miroirs spéciaux, déjà croisés partout ailleurs dans le monde depuis une demi-décennie, NK News note aussi la curieuse apparition de peluches à l'effigie des Minions, sans savoir si elles sont produites dans le pays ou chez le voisin chinois.
Le média a également noté, sur une écharpe exposée dans le salon, la présence d'un double C directement piqué chez Chanel. Malgré les sanctions lourdes qui touchent le pays, la vive appétence des Nord-Coréens les plus fortunés pour les produits occidentaux de luxe est comblée par quelques magasins spécialisés de Pyongyang.
Les femmes moins riches pourront, semble-t-il, elles aussi porter ce signe extérieur d'opulence à l'occidentale –mais a priori sous forme de contrefaçon sauvage.