Le 10 août dernier, un juge de San Francisco a ordonné à Lyft et Uber de reclasser leurs chauffeurs et chauffeuses indépendantes californiennes en salariées de plein droit. Une saga judiciaire qui dure depuis plusieurs années, et qui n'est pas près de s'achever, puisque la Cour d'appel a suspendu la décision quelques jours après, offrant un sursis aux deux compagnies.
Ces dernières pratiquent pourtant un lobbying intensif pour faire valoir leur point de vue. Selon Alison Stein, une économiste d'Uber, le prix des courses pourrait augmenter de 25% à 111% en Californie si les chauffeurs et chauffeuses étaient requalifiées en salariées, en raison des avantages afférents (heures supplémentaires, couverture maladie, etc.).
«Des prix plus élevés amèneraient à une réduction de la demande, qui pourrait chuter de 23% à 59% avec un impact d'autant plus important dans les zones déjà dépourvues de transport», met en garde Alison Stein. Uber brandit également la menace de l'emploi, estimant que le nombre de chauffeurs actifs sur la plateforme pourrait diminuer de 25%.
«Alors que plus de 3 millions de Californiens sont au chômage, nos élus devraient se concentrer sur la création d'emplois, et non pas essayer de fermer une industrie entière en pleine dépression économique», fustige un porte-parole d'Uber dans Business Insider.
Enjeu mondial
Dans une tribune parue dans le New York Times le 10 août, le PDG de la compagnie, Dara Khosrowshahi, reconnaît toutefois que les VTC souffrent d'un manque d'avantages. «Notre système d'emploi actuel est dépassé et injuste», écrit le dirigeant, tout en réaffirmant que le principe de liberté est avant tout un souhait de ses employé·es.
«Des sondages montrent que deux chauffeurs sur trois stopperaient leur activité si la flexibilité était remise en question», atteste-t-il. Des sondages opportunément commandités par les sociétés de covoiturage elles-mêmes.
En France, la pression est aussi montée d'un cran en mars avec la requalification en salarié d'un ancien chauffeur Uber par la Cour de cassation, qui a estimé que le lien de subordination était caractérisé. En Allemagne, le tribunal d'instance de Francfort a estimé en décembre 2019 qu'Uber était un «loueur de voitures» et n'avait donc pas le droit d'exercer dans les conditions actuelles.
Le groupe à aussi perdu sa licence à Londres et à Bruxelles. Bref, Uber traverse une bien mauvaise passe alors que ses revenus sont en chute libre en raison de la crise du Covid-19. La société a encore creusé sa dette de 1,8 milliard de dollars [1,5 milliard d'euros] au deuxième trimestre.
En Californie, Uber et Lyft misent désormais sur un référendum visant à soutenir leur «Proposition 22», un compromis qui garantirait la flexibilité et certains avantages sociaux aux conducteurs et conductrices indépendantes. Les deux concurrents ont déjà dépensé des dizaines de millions de dollars pour organiser le scrutin et inciter au vote. Preuve que l'enjeu est de taille.