Lundi 17 mai, le laboratoire pharmaceutique américain Moderna «triomphait», selon la personne à la tête de son service médical. La firme annonçait avoir obtenu des résultats positifs sur une petite étude préliminaire de son candidat vaccin.
Le prix de ses actions a fait un bond de 30% dans la matinée. De nombreux médias ont publié des articles enthousiastes sur l'étude et le laboratoire, neuf heures après son annonce, a lancé une émission d'actions destinée à lui permettre de lever un milliard de dollars [910 millions d'euros] pour poursuivre ses recherches.
Le lendemain, cependant, des scientifiques attiraient l'attention sur le fait que Moderna n'avait pas rendu toutes ses données publiques et qu'elles ne pouvaient de ce fait pas être soumises au processus de vérification propre à tout protocole de recherche. L'Institut national de allergies et des maladies infectueuses qui supervise l'essai n'avait de son côté fait aucun commentaire sur ces résultats préliminaires –or Anthony Fauci, son directeur, est l'une des voix les plus écoutées aux États-Unis depuis le début de la crise.
Quant à cette si soudaine émission d'actions, elle a semé le doute dans les esprits: cette annonce très précoce n'était-elle finalement qu'un plan marketing élaboré pour lever davantage d'argent?
Une volonté de croire en remède miracle
Depuis le début de la crise sanitaire, l'attention du grand public est décuplée et, de fait, court-circuite complètement le fonctionnement habituel des laboratoires, des scientifiques, des investisseurs ou des journalistes. Communiquer sur la course au vaccin ou au traitement efficace contre le Covid-19 est un terrain miné pour tout le monde.
Preuve en est le scénario inverse rencontré par le laboratoire pharmaceutique Gilead. Ses actions ont chuté de 5,5% après la fuite de résultats préliminaires d'une étude indiquant que la prise de remdesivir n'aurait pas amélioré la condition des patient·es atteint·es d'une forme sévère du Covid-19 ni réduit les chances d'en mourir. Fin avril, la même molécule provoquait pourtant l'enthousiasme des foules et des marchés à la suite d'une communication plus optimiste du laboratoire.
«Ces fluctuations sauvages [du marché] sont fondées sur des informations incomplètes», explique au New York Times David Maris, un directeur chez Phalanx Investment Partners et analyste de l'industrie pharmaceutique. «C'est un environnement fou et spéculatif car à cause de la pandémie, les gens veulent croire qu'il y aura un remède miracle dans un délai miraculeux.»
Sauf que les laboratoires ont l'habitude de rendre publiques les premières données de leurs recherche pour attirer les investisseurs ou rassurer les instances de régulation sanitaire. Un type de pratique qui les pousse depuis le début de la crise a être accusés d'en dire trop, trop vite –ou trop peu, trop tôt.