Va-t-on vers une reprise en V, en U, en W voire en virgule Nike, ou entre-t-on dans une longue dépression en L, dans laquelle l'activité économique chute puis se stabilise à un niveau très bas?
Les économistes sont, sur cette question, aussi divisés que les médecins sur la mortalité du coronavirus. Personne ne s'étonnera des prédictions alarmistes de Nouriel Roubini, surnommé «Dr. Doom» («Docteur Catastrophe»), connu pour avoir vu venir la crise des subprimes de 2008.
Ce dernier affirme que le monde se dirige vers une «décennie de désespoir» dont il ne sortira au mieux qu'en 2030, et ce en raison de l'accumulation de «cygnes blanc» –des événements connus mais sous-estimés, en opposition aux cygnes noirs décrits par son homologue Nassim Nicholas Taleb comme des événements imprévisibles.
Et de citer pêle-mêle la guerre commerciale sino-américaine, l'affaiblissement du dollar, le creusement des dépenses publiques, le vieillissement de la population, les tensions avec l'Iran ou même les criquets envahissant l'Afrique de l'Est.
Prophètes de malheur
Au royaume des pessimistes, Docteur Catastrophe se trouve aujourd'hui nombre de collègues. «Nous sommes actuellement seulement en phase 1 de la crise», décrit David Hunter, directeur de la stratégie macroéconomique de Contrarian Macro Advisors dans une interview à O&M Partners.
Au choc initial et à la reprise vigoureuse des marchés succédera une phase 2 avec un repli «bien plus abrupt et profond» de l'économie, prévoit le spécialiste.
Après l'euphorie boursière engendrée par les mesures de relance des banques centrales et les gouvernements, de nombreuses entreprises vont connaître des problèmes d'insolvabilité et les faillites vont s'enchaîner, estime David Hunter.
«Nous faisons face à des dettes qui dépassent tout ce que nous pouvons gérer», expliquait-il déjà en avril dans le podcast Contrarian Investor. L'indice S&P 500 va monter jusqu'à 4.000 points d'ici à cet automne, phénomène suivi d'une crise déflationniste mondiale, avec jusqu'à 80% de baisse sur les actions, selon Hunter.
Cet effondrement des prix va provoquer un rallye massif sur l'or, la monnaie jaune «pouvant atteindre 10.000 dollars [8.500 euros] d'ici à la fin de la décennie», contre 1.600 dollars actuellement.
Dans la foulée de Nouriel Roubini, les prophètes de l'apocalypse rivalisent de scénarios plus noirs les uns que les autres. Sauf que la date de l'effondrement est sans cesse actualisée en fonction de l'évolution réelle. Dans son interview d'avril, le seuil des 4.000 points du S&P anticipé par David Hunter était prévu d'abord pour le 1er mai. La deadline est désormais repoussée à l'automne.
En 2016, le professeur d'économie à la Sloan School of Management du Massachusetts Institute of Technology Simon Johnson prédisait que l'élection de Trump allait «précipiter l'Europe dans une grave crise bancaire» aboutissant à un «crash probable du marché». Gardons à l'esprit les paroles du pédagogue canadien Laurence J. Peter, qui en son temps ironisait: «Un économiste est un expert qui saura demain pourquoi ce qu'il avait prédit hier ne s'est pas produit aujourd'hui.»