Ameer Cajee, Raees Cajee. Retenez bien les noms de ces deux très jeunes frangins sud-africains, car ils pourraient entrer dans l'histoire des casses les plus colossaux: leur récente disparition vers des horizons inconnus s'accompagne de celle de 69.000 bitcoins, dont la valeur avoisinait 4 milliards de dollars (3,35 milliards d'euros) lors du pic de la cryptomonnaie en avril 2021.
Comme le relate Bloomberg, ce pic correpond au début des ennuis pour les clients d'Africrypt, la plateforme de change qu'Ameer et Raees Cajee avaient fondée en 2019.
Agissant comme Chief Operating Officer de la jeune entreprise, âgé de 20 ans à peine, Ameer a ainsi informé sa clientèle que le site avait été hacké. Dans le même temps, il lui enjoignait de manière quelque peu suspicieuse de ne pas informer la police de l'attaque, au risque de ralentir les opérations lancées pour récupérer les sommes dérobées.
Celles et ceux trouvant l'exigence d'Ameer Cajee trop étrange pour ne pas réagir ont alors loué les services d'un cabinet d'avocats, Hanekom Attorneys. Qui a très vite compris qu'il y avait effectivement baleine sous roche.
Envolés!
«Nous avons immédiatement saisi qu'il y avait un problème quand cette demande de ne pas dénoncer les faits nous a été rapportée», explique à Bloomberg le cabinet par e-mail. «Les employés d'Africrypt ont perdu leur accès au back-end de la plateforme sept jours avant le hack allégué.»
Dans le même temps, Ameer comme son frère s'enfonçaient dans l'ombre et devenaient injoignables. Étudiant le cheminement des 69.000 bitcoins après leur disparition des portefeuilles de leurs possesseurs, Hanekom Attorneys a constaté qu'ils avaient transité par des «tumblers», des services permettant de noyer des cryptomonnaies dans la masse pour les anonymiser et les rendre plus difficiles à tracer.
L'Afrique du Sud semble être une terre promise pour ce genre de crypto-cambrioleurs. Comme le rappelle Bloomberg, une affaire similaire s'était déroulée en 2020 avec l'effondrement d'une plateforme nommée Mirror Trading International, pour des pertes de 23.000 bitcoins et un total de 1,2 milliard de dollars. Le plus gros casse de l'année dans le monde l'année passée, trois fois moins important pourtant que celui qui se déroule en ce moment.
La Financial Sector Conduct Authority du pays, gendarme financier de l'Afrique du Sud, surveille bien sûr la situation de près. Mais, et ceci expliquant sans doute cela, elle ne peut elle-même lancer d'enquête formelle: les cryptomonnaies n'étant pas (encore) légalement considérées comme des produits financiers en Afrique du Sud, l'affaire Africrypt échappe à sa juridiction. Et, quelque part mais nul ne sait où, les frères Cajee savourent leur nouvelle fortune.