Au début du mois d'octobre, une annonce un peu rapide concernant l'arrivée prochaine de nouveaux films avec Bruce Willis, remplacé par une version deepfake en raison de sa retraite anticipée, avait dû être démentie par les personnes chargées de le représenter. Non, l'image de l'acteur n'a pas été cédée à l'entreprise géorgienne Deepcake. Nous ne verrons pas de sitôt une nouvelle aventure de John McClane version numérique.
La technologie deepfake n'a pas fini de faire polémique et de susciter indignations et démentis en pagaille. Récemment, une vidéo mettant en scène un faux Elon Musk dans son bain (puis une autre dans laquelle ce double numérique est pris en otage), destinée à promouvoir la start-up d'investissement immobilier reAlpha Tech Corp, a notamment fait parler d'elle.
Une autre, dans laquelle des deepfakes de Tom Cruise, Ron Swanson et Brad Pitt vantent les mérites de la société Paperspace, est également apparue en ligne début septembre. Et tout cela sans l'accord des intéressés.
Si les entreprises en questions espèrent ne pas être inquiétées, c'est parce que leurs vidéos jouent la carte de la parodie et de l'excès. Autrement dit: à aucun moment il n'est question de tenter de faire croire que le vrai Elon Musk ou le vrai Brad Pitt ont pu prendre part au tournage de ces spots.
La publicité mettant en scène le PDG de SpaceX joue même carrément sur le principe de l'«uncanny valley», ou «vallée de l'étrange». Cette expression désigne le sentiment de malaise qui s'empare de nous face à une représentation numérique juste assez éloignée du modèle réel pour nous faire grincer des dents.
Zone grise
Reste que des lois vont être nécessaires pour déterminer ce que les publicitaires ont le droit de faire et ce qui leur est interdit. Peut-être une jurisprudence émergera-t-elle dans quelques années, lorsque les premiers procès sur le thème du deepfake auront eu lieu. Car nul doute que toutes les stars ne vont pas accepter que leur image soit utilisée sans leur validation.
Pour l'instant, explique le Wall Street Journal, le deepfake se trouve dans une zone grise: les célébrités pourraient avoir bien du mal à enrayer la prolifération de leurs reproductions numériques et l'utilisation de leur réputation. Si des lois concernant l'utilisation des deepfakes dans les vidéos pornographiques (et dans le «revenge porn») ont été adoptées dans certains États américains, la suite peine à arriver. Selon les experts, il n'existe pas, à l'heure actuelle, de textes spécifiques concernant l'utilisation de deepfakes à des fins commerciales.
Le succès rencontré par certaines célébrités face à des sociétés ayant utilisé leur image sans leur autorisation pourrait toutefois inspirer les législateurs et les agents de stars. On rappelle par exemple qu'en 2009, Woody Allen a empoché 5 millions de dollars lorsque la marque American Apparel a utilisé une image tirée du film Annie Hall sans y avoir été autorisée.
Chez Paperspace et reAlpha, on assure que des avocats ont visionné les vidéos avant publication, et que tout a été fait pour s'assurer qu'il n'y ait aucune confusion possible entre les personnalités et leurs doubles numériques.
Du côté de reAlpha, on estime qu'il y a peu de chances qu'Elon Musk décide de poursuivre la start-up en justice, et même que le jeu en vaut bien la chandelle, puisqu'un procès leur offrirait une publicité considérable. Mais la prise de risques est réelle: quel type de dédommagement un homme aussi riche que le patron de Tesla pourrait-il demander?