En 2018, le Canada devenait le second pays au monde après l'Uruguay à autoriser officiellement la vente et la consommation récréative de marijuana à l'échelle nationale. Le secteur privé avait accueilli cette réforme très chaleureusement.
Beaucoup espéraient alors que le cannabis allait se démocratiser largement et devenir immédiatement un marché majeur. Le nombre croissant d'États aux États-Unis adoptant des réformes similaires suggérait que le Canada n'était que le premier d'une série de dominos, et que bientôt, de nombreux pays développés allaient eux aussi libéraliser leur marché.
Le Canada pensait ainsi disposer d'une longueur d'avance sur un marché immense à venir. Une véritable folie boursière a déversé des millions dans les entreprises spécialisées, les serres à l'abandon se sont vendues à prix d'or et les points de culture en intérieur ont poussé comme des champignons.
Seulement, il est vite apparu que le marché a eu les yeux plus gros que le ventre. Le but de la légalisation était en premier lieu de réformer le système de justice, qui comme ailleurs envoyait en prison des milliers de personnes pour simple possession de cannabis. C'est pourquoi la vente reste strictement encadrée et la publicité quasiment interdite. Les producteurs tentent parfois d'exploiter les zones grises de la loi, mais la tâche reste difficile.
Pas un tabac
Pire encore pour ces entreprises, le cannabis n'a tout simplement pas rencontré le succès escompté auprès des Canadiens. D'après un chercheur de l'Université Saint-Thomas, 6% d'entre eux fument du cannabis quotidiennement, à peu près autant qu'avant la légalisation. En outre, la moitié des consommateurs continuent de s'approvisionner illégalement.
Le serres se revendent donc à perte, les territoires à qui l'on avait promis une nouvelle manne financière réalisent qu'elle ne viendra peut-être jamais, les indices boursiers sont au plus bas et les entreprises s'effondrent. La désillusion est telle que certains comparent la bulle du cannabis à la bulle internet.
D'autres, plus optimistes, estiment que la main du marché est simplement à l'œuvre, et que les entreprises qui auront survécu à la crise du Covid-19 pourront se stabiliser et devenir des actrices importantes du marché mondial.
Mais un concurrent sérieux se profile. Le Mexique se prépare à libéraliser à son tour le cannabis récréatif. Grâce à une main-d'œuvre moins coûteuse et un climat plus chaud, il y a fort à parier que la production mexicaine rivalisera avantageusement avec celle du Canada. D'autant que les deux pays font partie de l'Aceum, l'accord de libre-échange Canada-États-Unis-Mexique.