Deux maisons d'édition russes, Eksmo-AST et Smart Reading, s'apprêtent à publier une version bien particulière du Suppléant, les mémoires du prince Harry.
Puisque la maison d'édition qui le publie, Penguin House, a interrompu toute collaboration avec ses homologues russes depuis le début de la guerre en Ukraine, elle ne peuvent plus traduire ni distribuer le texte original. Elles vont donc publier des sortes de «résumés» contenant les principaux éléments du livre, mais n'ayant rien à voir avec le texte original.
Le vol du bouquin
«Le résumé reflétera les idées clés du livre sans en utiliser des extraits. L'auteur a lu le livre en anglais et l'a raconté avec ses propres mots», explique très sérieusement à Kommersant Yevgeny Kapyev, le PDG d'Eksmo-AST, qui y voit même une «solution partielle à l'indisponibilité des ouvrages de non-fiction» et une «alternative aux licences obligatoires».
Maria Kopachevskaya, rédactrice en chef de Smart Reading, déclare quant à elle que sa maison d'édition se spécialise dans ce type de «résumés» depuis dix ans. «En raison de la situation actuelle, nous essayons de nous concentrer sur ce qui n'est pas disponible pour les lecteurs russophones, mais précieux pour eux», expose-t-elle pudiquement.
Pirates des mers de l'est
Cette argumentation est loin de convaincre toute le monde, y compris dans le monde de l'édition russe. «Autoriser le piratage sous une forme ou une autre –et les résumés peuvent être considérés comme du piratage discret– ramène le marché russe du contenu légal plusieurs années en arrière», cingle un acteur du secteur.
Ces «résumés» pourraient même faire l'objet de poursuites devant les tribunaux. Toutefois, il ne faudra pas trop compter sur la coopération de la justice russe, sachant que Moscou a envisagé en mars dernier de légaliser le piratage pour, justement, faire face aux sanctions occidentales.