Amazon, ton univers impitoyable. | Lionel Bonaventure / AFP

Amazon, ton univers impitoyable. | Lionel Bonaventure / AFP

Amazon, une machine bien huilée et un bazar chaotique

Derrière l'immense marché de la plateforme se cache une foire d'empoigne où tous les coups sont permis.

Lorsque vous achetez un article dans un supermarché, il a normalement été soigneusement sélectionné. Quelqu'un s'est assuré de sa qualité et de sa conformité aux normes de sécurité et aux obligations sanitaires.

Sur Amazon, tout est différent: la plateforme est ouverte, et n'importe qui peut y vendre n'importe quoi. C'est ce fonctionnement qui a fait le succès de l'«Everything Store» de Jeff Bezos: les revenus de sa marketplace, qui liste des objets proposés par des entreprises tierces, sont deux fois plus importants que ceux issus de la vente de ses propres produits.

Intermédiaire ou responsable?

Naturellement, tout le monde veut une part du gâteau. Le site attire des vendeurs honnêtes, mais aussi tout ce que le genre humain a pu inventer de pire en matière d'arnaqueurs, de copieurs et de profiteurs.

Le 23 août, Amazon a été épinglé par le Wall Street Journal pour la présence de plus de 4.000 produits interdits ou dangereux sur son site. Médicaments non autorisés ou importés illégalement, jouets contenant des quantités dangereuses de plomb, objets électroniques faussement indiqués comme aux normes, tout y passe.

L'entreprise assure filtrer au mieux les produits en vente et, en cas de problème, elle argue qu'elle n'est qu'un intermédiaire pour s'en laver les mains.

Les tribunaux américains ont à plusieurs reprises donné raison à la société sur ce point, mais un jugement de la cour d'appel de Philadelphie du 3 juillet a au contraire estimé qu'Amazon devait être tenue pour responsable des produits des vendeurs tiers.

Si cette jurisprudence venait à être confirmée, le coup serait dur pour le business model de Jeff Bezos. Les entreprises tierces sont très loin de lui obéir au doigt et à l'œil, à tel point que même des articles produits et vendus directement par Amazon sont détournés par des individus peu scrupuleux.

La Buy Box pour butin

Sur la plateforme, le détournement de listing est une pratique courante. Le site permet à plusieurs personnes de vendre le même produit en même temps, qui se partagent alors la page de l'article, le listing, et entrent en compétition pour la Buy Box, le statut de vendeur par défaut.

Il est possible d'accéder aux autres vendeurs grâce à un bouton «Autres vendeurs sur Amazon», mais personne ou presque ne l'utilise.

Pour cette trousse, par exemple, Eastpak détient la Buy Box: si vous cliquez sur «Acheter», la vente revient au fabricant. Vingt-cinq autres vendeurs sont pourtant indiqués en bas à droite.

Le gagnant de la Buy Box est sélectionné par un algorithme assez opaque, qui prend notamment en compte le plus bas prix et les retours clients.

Des personnes peu scrupuleuses récupèrent toutes les informations et les photos d'un produit, puis les répliquent afin de s'attribuer une place dans le listing.

Grâce à des techniques plus ou moins malhonnêtes (baisses de prix ou gonflage artificiel des retours positifs), elles récupèrent ensuite la Buy Box et éclipsent le vendeur originel.

Ancien listing, nouvel article

Les hijackers peuvent également réaliser cette opération sur des produits autrefois populaires retirés de la vente, pour continuer à profiter des bonnes notes du listing: il leur suffit de substituer l'article vendu et d'en changer la description.

Chez Amazon, les équipes d'aide à la clientèle chargées de passer en revue les modifications sont majoritairement basées à l'étranger. Elles doivent travailler rapidement et leur turnover est élevé. Avec un peu de chance, la personne qui examine la demande ne la regarde pas de trop près, et le tour est joué.

La technique est même possible avec des produits Amazon Basics qui ne sont plus proposés mais dont le listing existe toujours. The Verge a découvert qu'un listing destiné à un câble HDMI vendait désormais un réveil chinois, en conservant les 5.324 avis d'une moyenne de 4,6 étoiles remportés par l'article précédent.

D'après Rachel Johnson Greer, une ancienne employée d'Amazon reconvertie en consultante pour vendeurs, la situation était inévitable: «C'est totalement chaotique, il y a plus de deux milliards de listings sur Amazon et ils ne meurent jamais. Quand un article n'est plus vendu, le listing perdure, n'attendant que de se faire détourner.»

Il ne s'agit pas de la seule entourloupe pratiquée entre vendeurs. Déposer de fausses critiques positives chez la concurrence pour qu'Amazon soupçonne un gonflage de score illicite; acheter un objet, y mettre feu puis se plaindre d'un manque de sécurité: pour vendre à tout prix, certains déploient des trésors d'inventivité.

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