Les sites d'e-commerce sont devenus une véritable vitrine d'objets volés en tout genre. Ces dernières années, le nombre de marchandises dérobées en magasin et qui ont réapparu sur internet a explosé. Ce phénomène est l'œuvre de véritables réseaux criminels, relate le Wall Street Journal.
La «démarque inconnue», le terme pudiquement employé par les distributeurs pour désigner le vol, a certes toujours existé. Dans les grandes surfaces françaises, par exemple, on estime que les pertes dues aux larcins s'élèvent à 3,5 milliards d'euros par an.
Mais ces infractions sont surtout perpétrées par des citoyens indélicats. Les grandes chaînes comme Home Depot et Target ou les pharmacies doivent désormais faire face à des réseaux organisés de grande ampleur. De petits trafiquants revendent la marchandise volée pour une bouchée de pain à des receleurs chargés de l'écouler sur les plateformes telles qu'Amazon et ses concurrents.
Selon la Coalition of Law Enforcement and Retail, une association professionnelle de distributeurs, les pertes annuelles de ces vols s'élèvent aujourd'hui à 45 milliards de dollars (38,3 milliards d'euros), contre 30 milliards un an plus tôt. L'organisme a conclu soixante-treize affaires portant sur la revente de biens dans le commerce électronique cette année, contre seulement vingt-sept cas en 2020.
E-recel
Grâce aux sites d'e-commerce, il n'a jamais été aussi facile d'écouler la marchandise volée. Selon les équipes responsables des enquêtes et les forces judiciaires, Amazon offre l'un des plus grands débouchés pour les réseaux criminels, compte tenu de son énorme bassin de clients potentiels et surtout de la désinvolture notoire de l'entreprise sur la vérification de l'identité des vendeurs qu'elle héberge.
«Amazon est le plus grand prêteur sur gage non réglementé de la planète», fulmine ainsi Ian Ranshaw, un sergent de la police de Thornton dans le Colorado. «Impossible d'obtenir la moindre information sur un vendeur sans une assignation ou une action en justice.» Par comparaison, eBay serait bien plus coopérative, assurent les enquêteurs.
Ces dernières années, les distributeurs ont fait pression sur le Congrès pour adopter une législation exigeant que les sites de commerce électronique vérifient les détails des vendeurs tiers et publient certaines informations.
Amazon s'y est bien entendu fermement opposé, arguant que cela empiéterait sur la vie privée des vendeurs, et qu'une telle loi favoriserait les grands détaillants au détriment des petits vendeurs.
L'entreprise soutient qu'elle procède à des vérifications préalables qui lui ont permis «d'empêcher 6 millions de tentatives de malfaiteurs essayant de créer de nouveaux comptes de vendeurs». Mais elle refuse de livrer les détails financiers des transactions ou les notes internes au sujet des activités suspectes dans la plupart des affaires.
En attendant, les détaillants s'organisent pour faire face à l'explosion des vols. La chaîne de pharmacies CVS a embauché huit personnes supplémentaires chargées de scruter Amazon pour y repérer la marchandise volée, et a acheté sa propre camionnette de surveillance avec des caméras à 360°.
Home Depot a elle aussi doublé la taille de son unité d'enquête internet ces quatre dernières années. De nombreuses chaînes ont monté leur propre équipe de surveillance. Quand on vous dit qu'Amazon crée des emplois…