Moralité: moins on est riche, plus on est pauvre, et inversement. | Jp Valery via Unsplash
Moralité: moins on est riche, plus on est pauvre, et inversement. | Jp Valery via Unsplash

589%: aux États-Unis, l'essor du business du prêt usurier

Le «payday loan», prêt prédateur des classes populaires, ne s'est jamais aussi bien porté.

Un emprunt de 5.000 dollars, des remboursements dûs tous les quinze jours, un taux d'intérêt annuel de 589%: l'histoire de Jamie Johnson que raconte Bloomberg est édifiante.

Elle l'est d'autant plus qu'elle n'a rien d'exceptionnel. Aux États-Unis, du moins dans certaines régions juridiquement peu regardantes sur la question, le business du «payday loan», une avance sur salaire à des taux dépassant l'usure pour atteindre la plus cruelle des prédations, est en plein essor.

Cette industrie du prêt usurier, explique Bloomberg, s'adresse aux 160 millions d'Américains dont le «credit score» est trop médiocre pour accéder aux établissement financiers plus classiques –typiquement les communautés noires et latines, déjà les plus défavorisées. Ce type de prêts s'attendait à souffrir pendant la crise, il a au contraire vécu l'une de ses années les plus fastes.

Paradoxalement, ces prêts doivent une grande partie de leur forme olympique aux plans de soutien de l'économie et des travailleurs mis en place par le gouvernement du pays depuis le début de la crise. Si la reprise a depuis bien fait changer les choses, l'explosion du chômage en 2020 a poussé l'administration Trump, puis celle qui a pris sa suite, à envoyer des chèques à l'ensemble des foyers américains.

Déjà en difficulté dans un pays où, pour ne parler que de cet exemple, les coûts de santé peuvent littéralement ruiner, nombre d'entre eux ont profité de l'arrivée de ces revenus pour s'endetter auprès de l'un ou l'autre des établissements prêteurs. Ce fut le cas de Jamie Johnson, qui avait besoin de fonds pour nourrir les quatre enfants de sa femme et prendre soin de sa mère malade.

D'autres ont au contraire profité de cette manne exceptionnelle pour rembourser en partie leurs dettes les plus coûteuses –ce fut le cas d'environ un tiers des ménages, selon une étude de la Federal Reserve Bank of New York.

À l'usure

Résultat: les grandes firmes du secteur, à l'image de Enova International Inc. ou Elevate Credit Inc. et de leurs filiales, se réjouissent d'une année de profits records. Les tenanciers des petites échopes locales, nombreuses dans certaines zones (7,6 «payday stores» pour 100.000 habitants dans le Michigan) peuvent eux aussi sourire à pleines dents.

Pour celles et ceux qui, en revanche, n'ont eu d'autre choix que de faire appel aux financements prédateurs de l'un de ces établissements, la spirale a pu devenir infernale. Bloomberg raconte ainsi comment Kimberly Richardson a fini par se noyer dans le surendettement.

Perdant une partie de ses revenus après la découverte d'un cluster dans l'usine qui l'emploie, Richardson a commencé à rencontrer des difficultés pour rembourser les traites d'un petit crédit de 1.500 dollars contracté après de CashNetUSA, une filiale d'Enova –le taux d'interêt total de son crédit était de 276%.

Loin de la responsabiliser, CashNetUSA l'a encouragée à emprunter toujours plus pour rembourser toujours plus, jusqu'à ce que sa situation financière soit tout à fait intenable: elle a alors dû se déclarer en faillite personnelle, après le remboursement de 10.000 dollars à l'établissement de crédit.

Beaucoup d'associations de défense des consommateurs et emprunteurs s'étranglent de telles conditions et pratiques. Une loi a été envisagée pour imposer un cadre fédéral à cette jungle du crédit à court terme et limiter les taux d'intérêt.

Non seulement elle n'a jamais abouti mais, en juillet 2020, les législateurs ont détricoté un peu plus la réglementation en la matière, permettant à Enova ou Elevate de prospérer un peu plus facilement encore sur les difficultés des ménages. Dans un contexte de reprise économique –et de reprise en main de l'économie–, l'administration Biden pourrait néanmoins s'emparer de la question et taper du poing sur la table.

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