Le 31 mars dernier, Joe Biden a dévoilé un plan massif d'investissement de 2.300 milliards de dollars dans les infrastructures. «Un investissement dans l'Amérique comme il n'en arrive qu'une fois par génération», a proclamé le président américain lors d'un discours à Pittsburgh en Pennsylvanie.
En réalité, «seulement» 621 milliards seront dédiés à la modernisation des infrastructures de transport, le reste étant destiné à l'aide aux personnes âgées, à l'industrie ou au logement.
Les besoins sont certes criants: un récent rapport de l'association américaine des ingénieurs civils (ASCE) affirme que 45.000 des ponts sont déficients, ou que 23 millions de litres d'eau sont gaspillés chaque année en raison des fuites dans les conduites.
Pour financer ces travaux colossaux, la Maison Blanche mise notamment sur une hausse de l'impôt sur les sociétés, qui passerait de 21% à 28%. Il y a toutefois un hic, explique le Washington Post: «Les 2.300 milliards de dollars de dépenses doivent s'étaler sur les 8 prochaines années. Or il faudrait attendre 2036, soit 15 ans, pour que la hausse de l'impôt sur les sociétés génère autant de recettes.»
De plus, il est peu probable que ces taxes restent en place dans le cas où les Républicains reviendraient au pouvoir entre temps. Il y a donc fort à parier que ces dépenses iront gonfler un peu plus le déficit «qui est déjà à son plus haut niveau depuis la Seconde Guerre mondiale», souligne le quotien américain.
C'est mon data
Il est aussi possible de miser sur les partenariats public-privé, sur le modèle des concessions autoroutières en France. Mais cela ne suffit généralement pas à rentabiliser l'investissement pour les compagnies privées. Biden se refuse également à augmenter la taxe fédérale sur l'essence ou à créer une nouvelle taxe basée sur le kilométrage, comme le proposent plusieurs économistes.
Bref, tout cela aboutit à une impasse. Peter Adriaens, directeur du Center for Smart Infrastructure Finance suggère pourtant une idée neuve: financer les infrastructures grâce à nos données.
«Nos routes, ponts, conduites d'eau, bâtiments, ports et hôpitaux sont équipés de capteurs et d'autres systèmes de collecte de données. Cet internet urbain des objets a le potentiel de générer une incroyable valeur ajoutée», s'enthousiasme-t-il
«Plutôt que de facturer des péages, on pourrait recueillir des données anonymes sur le volume de trafic, le poids des camions et l'état des routes. Ces données pourraient ensuite être revendues sur les marchés dérivés à des fournisseurs de matériaux, des compagnies d'assurance, des sociétés de marketing et à des investisseurs de fonds spéculatifs», suggère-t-il. «À l'avenir, les données pourront être titrisées comme des hypothèques, reconditionnés et revendus sur divers marchés.»