Il est difficile de lutter face à la montée en puissance globale de la Chine. Le constat est valable dans tous les domaines: économique, technologique, diplomatique, militaire, mais aussi culturel.
Avec une classe moyenne qui ne cesse de prendre de l'ampleur, le pays aux 1,386 milliard d'habitant·es est logiquement en train de devenir le plus gros marché mondial pour l'industrie du cinéma.
Au premier trimestre 2018, le box-office chinois avait déjà dépassé celui des États-Unis, avant de finir l'année derrière le pays d'Hollywood et le Canada. Selon une étude de PwC rapportée par CNBC, la croissance du secteur cinématographique en Chine est désormais de 9,1% par an. En 2023, il pourrait générer une activité de 15,5 milliards de dollars [14 milliards d'euros].
Dès 2020, la Chine devrait rapporter davantage à Hollywood que ses propres terres américaines. «Plus de 70% des recettes d'un blockbuster proviennent de l'étranger –en dehors de l'Amérique du Nord–, et la Chine représente une grande part de ce chiffre», souligne Stanley Rosen, professeur de sciences politiques à l'université de Californie du Sud.
Soft power et interdépendance
Cette bonne nouvelle économique est beaucoup moins réjouissante sur les plans culturel, politique voire diplomatique: autrefois instrument précieux du soft power américain, le cinéma doit de plus en plus se conformer aux exigences, goûts et susceptibilités du gigantesque marché chinois –ce que South Park a récemment moqué avec acidité, provoquant une censure brutale du gouvernement de Xi Jinping. «Avant de commencer à tourner, vous devez être attentifs au fait que votre script doit plaire à la Chine», précise d'ailleurs Rosen.
La dépendance fonctionne néanmoins dans les deux sens: la Chine, qui cherche à devenir un producteur de cinéma majeur, a besoin d'Hollywood pour accélérer la croissance de ses propres activités.
D'après le New York Times, les firmes chinoises ont aidé à financer 12 des 100 films les plus rentables tournés à Hollywood entre 1997 et 2013, un chiffre passé à 41 pour les cinq années suivantes. Alibaba a par exemple placé quelques billes dans les deux derniers Mission impossible, tandis que One Upon a Time in Hollywood de Tarantino a en partie été payé par Bona Film Group.
C'est aussi grâce à l'investissement du chinois Dalian Wanda Group qu'AMC a pu racheter quelques-uns de ses petits camarades pour devenir la plus grande chaîne de multiplexes du monde.
Quant au milliardaire Wang Jianlin, propriétaire du groupe susnommé, il a investi la coquette somme de 8 milliards de dollars pour créer le Qingdao Oriental Movie Metropolis dans la ville du même nom, un hub industriel et studio de production géant présenté dès sa naissance comme «la réponse chinoise à Hollywood».