Mardi 16 juin, le dialogue entre les deux Corées a littéralement volé en éclats: dans un contexte de fortes tensions, les autorités nord-coréennes ont détruit à l'explosif le bureau de liaison intercoréen, situé à Kaesong.
S'il s'agissait officiellement d'une réaction à l'envoi de tracts par-dessus la frontière, œuvre d'exilé·es du Nord installé·es au Sud, la surenchère de Pyongyang a également à voir avec ses importantes difficultés économiques.
En raison des sanctions américaines et onusiennes, les échanges de la Corée du Nord avec son principal partenaire commercial, la Chine, avaient déjà diminué. Mais avec la pandémie de Covid-19 et la fermeture consécutive de la frontière sino-coréenne, ils se sont effondrés de 90% en mars et avril par rapport à l'année précédente.
«Les sanctions avaient clairement un impact sur l'économie nord-coréenne avant le Covid-19, mais la fermeture de la frontière avec la Chine pour freiner la propagation du coronavirus a fait beaucoup plus pour [la] ralentir», confirme pour Bloomberg Kyle Ferrier, directeur des affaires académiques au Korea Economic Institute of America.
La menace pour oublier la misère
La Corée du Nord ne peut pas non plus compter sur Séoul. Les échanges économiques intercoréens ont presque été divisés par 1.000 en cinq ans, passant de 2,4 milliards d'euros en mai 2015 à 3,1 millions d'euros en mai 2020.
À Pyongyang, une zone franche qui accueillait des entreprises du Sud et rapportait près de 89 millions d'euros par an au régime est fermée depuis 2016.
L'aide humanitaire sud-coréenne est elle aussi en chute libre depuis les nouvelles sanctions imposée par l'administration Trump. Séoul a envoyé l'équivalent de 2,6 milliards d'euros depuis 1995, mais sur la période 2017-2019, elle n'a versé qu'un centième de ce total (26 millions d'euros).
Face aux sanctions, la Corée du Nord s'est tournée vers la contrebande et la cybercriminalité; selon les estimations américaines, sujettes à caution, cette deuxième activité lui aurait rapporté au moins 1,8 milliard d'euros en 2019.
Pyongyang a tenté de négocier avec la Chine, la Russie et les États-Unis pour obtenir un allégement des sanctions, mais trois sommets avec Donald Trump depuis 2018 n'ont pas produit les effets escomptés.
«Le ralentissement économique de la Corée du Nord alimente son agressivité et est aggravé par les sanctions. Il n'y a pas d'issue à court terme. Le raisonnement qui a conduit à la destruction du bureau de liaison l'amènera [probablement] à davantage de provocations», prévient Van Jackson, ancien responsable du Pentagone.
Par le biais de son agence officielle KCNA, le pays a pourtant annoncé le 24 juin, sans plus d'explications, suspendre ses plans d'actions militaires contre son voisin du sud. Kim Jong-un ayant pour habitude de souffler le chaud et le froid sur ses adversaires, l'apparente bonne nouvelle pourrait néanmoins n'être que temporaire.