La crise que connaît le monde depuis le début de la pandémie de Covid-19 pourrait avoir un effet plus durable qu'espéré. Les économistes sont en train d'avertir les gouvernements, les banques et les entreprises qu'il faut à tout prix empêcher la récession de tourner en déflation.
Le président de la banque centrale américaine, Jerome Powell, a même choisi de ne pas publier les traditionnelles prédictions de la Réserve fédérale pour l'économie américaine. «Cela aurait pu être un obstacle à la communication, plutôt qu'une aide», a-t-il déclaré à Bloomberg.
Si une baisse des prix est aussi mauvaise pour l'économie, c'est parce qu'elle influe sur la psychologie des foules: les individus repoussent leurs emplettes à plus tard pour acheter moins cher, puis consomment de moins en moins tout court.
Les entreprises cessent alors de se développer et n'ont plus besoin de recruter. Face à la perspective du chômage ou d'un salaire qui n'augmente plus, la population dépense encore moins et les entreprises sont contraintes de maintenir leurs prix au plus bas.
Spirale négative
La concrétisation de ce scénario pourrait s'avérer catastrophique. Deux des plus grosses crises économiques du siècle écoulé ont commencé par une déflation: la Grande Dépression des années 1930 et la crise au Japon, marquée par une stagnation de la croissance ces trente dernière années.
L'un des principales difficultés tient au fait que les économistes n'ont pas de solution efficace pour faire redémarrer une économie prise dans la spirale négative de la déflation.
Le cas du Japon est édifiant: à la fin des années 1990, après l'explosion de la bulle immobilière, les banques ont arrêté d'accorder des prêts. Les salaires ont commencé à faire du sur-place, et les Japonais·es à limiter leurs achats. Il est devenu normal de ne pas acheter du côté des consommateurs, et de ne pas augmenter les prix du côté des entreprises.
À cause de cette «mentalité déflationniste», pour reprendre les termes de la Banque du Japon, les mesures économiques prises par le gouvernement (parfois très fortes, comme proposer des intérêts négatifs sur les prêts) n'ont pas eu l'impact espéré.
Certain·es expert·es ne voient pas encore de raison de crier au feu. De leur point de vue, les prix devraient rebondir dès la fin du confinement –et à plus long terme de la pandémie. La demande repartirait, stimulée par les gouvernements et les banques.
D'autres économistes alertaient pourtant sur une possible déflation avant même la survenue de la crise sanitaire. Les conditions actuelles menacent de précipiter une situation similaire à celle que connaît le Japon: le confinement risque de laisser des cicatrices et de créer une mentalité déflationniste.
La crainte du chômage, la confiance amoindrie des consommateurs et le recours à des solutions d'urgence pour rafistoler les chaînes de production pourraient freiner la rémission et stopper l'inflation espérée.