Neen. Pour faire face aux conséquences économiques du Covid-19, la France, le Portugal, l'Espagne et l'Irlande souhaitent émettre des «eurobonds», également connus sous le nom de «coronabonds», des obligations mutualisant les dettes publiques des États européens. Mais le ministre des Finances néerlandais Wopke Hoekstra, 44 ans, s'y oppose fermement.
Ses adversaires l'accusent de mettre en danger le futur de l'Union européenne. «Si nous ne parvenons pas à faire cela aujourd'hui, je vous dis que les populistes gagneront –aujourd'hui, demain, le lendemain, en Italie, en Espagne, peut-être en France et ailleurs», a averti Emmanuel Macron dans une interview au Financial Times.
Pour d'autres, comme l'eurodéputé belge Johan Van Overtveldt, le message de Wopke Hoekstra est certes difficile à entendre mais nécessaire. Outre les Pays-Bas, l'Allemagne, l'Autriche et la Finlande s'opposent elles aussi aux eurobonds.
Aux yeux du président de la commission des budgets du Parlement européen, le projet reviendrait à «mettre la charrue avant les bœufs», certains pays de l'UE n'étant pas préparés à supporter le joug d'une dette mutualisée.
Nord contre Sud
En tant que ministre des Finances des Pays-Bas, Wopke Hoekstra s'est fait remarquer pour son intransigeance, refusant de rencontrer les autres ministres venu·es réclamer des hausses budgétaires.
Depuis son arrivée dans l'Eurogroupe en 2017, il a prôné la rigueur et rejeté la mutualisation des risques financiers. Après le départ du Royaume-Uni de l'Union, les Pays-Bas se sont imposés comme les nouveaux chefs de file des États opposés à une intégration économique européenne renforcée, dont font partie les pays nordiques et l'Irlande.
C'est un véritable numéro d'équilibriste auquel doit se livrer l'UE: contenter les contribuables du Nord sans abandonner les pays du Sud. Les 540 milliards d'aide européenne, mais sans mutualisation des dettes, ont ainsi été fraîchement accueillis par l'Italie.
Cet antagonisme économique entre États européens du Nord et du Sud n'est pas nouveau et se manifeste depuis les débuts de l'euro. Son retour en force dans le contexte actuel n'est pas moins préoccupant.
Si l'Union européenne ne parvient pas à un compromis et donne l'impression d'avoir échoué face à une crise sanitaire aussi grave, l'euroscepticisme risque de gagner du terrain, en particulier dans les pays qui auront le sentiment d'avoir été ignorés, et les partis populistes en sortiront effectivement gagnants.