Les chiffres sont un facteur. Mais ce qui se raconte en est un autre, d'une importance peut-être supérieure. | Markus Spiske via Unsplash
Les chiffres sont un facteur. Mais ce qui se raconte en est un autre, d'une importance peut-être supérieure. | Markus Spiske via Unsplash

Croissance ou récession: et si tout n'était qu'une question d'histoires?

L'économiste Robert Shiller recommande de se pencher sur les histoires pour comprendre les aléas du marché.

Qui a un jour douté du pouvoir des histoires? Elles ont bercé notre enfance, nous attirent au cinéma, nous gluent devant Netflix, nous font jouer aux jeux vidéo, nous poussent à suivre telle star sur Instagram ou acheter le produit de telle marque.

Le terme de «narrative» en anglais n'a pas vraiment d'équivalent en français –«narration» ne lui fait pas tout à fait honneur. Il désigne à la fois la trame de l'histoire, sa direction mais aussi le désir, derrière cette histoire et pour le narrateur ou la narratrice, d'emmener le lecteur ou la lectrice vers une idée, une réflexion, une émotion, un lieu précis.

La théorie du prix Nobel 2013 d'économie Robert Shiller dans son livre Narrative Economics: How Stories Go Viral and Drive Major Economic Events est simple et provocatrice. Selon l'Américain, les histoires sont derrière les plus grand booms et effondrements du marché, qui poussent les individus à acheter ou à vendre. Les chiffres, les profits ne sont qu'une part de l'équation, dont l'importance est au mieux égale, sinon moins importante que le narrative.

Vraies ou fausses, elles façonnent le monde

Son exemple est la célèbre histoire du garçon qui a ciré les chaussures de Joseph Patrick (dit Joe) Kennedy en 1929. On l'imagine assis sur un tabouret, en train de lire son journal, lorsque le jeune homme à ses pieds décide de son propre chef de lui prodiguer des conseils sur le cours de la bourse.

Choqué qu'un cireur de chaussures ait son mot à dire sur le sujet, Kennedy vend toutes ses parts, convaincu qu'il s'agit d'un signe que le marché va s'effondrer. En octobre, la bulle éclate et Joe Kennedy –qui avait vu juste– devient extrêmement riche.

Cette histoire, Shiller n'en a trouvé aucune trace nulle part. Mais après tout, une histoire n'a pas besoin d'être vraie pour se propager. Comme une épidémie, la légende urbaine infecte l'imagination et les faits lui sont presque secondaires.

Shiller propose un modèle pour expliquer leur popularité. Comme lors d'une épidémie, un nombre grandissant de personnes contagieuses infectent leurs pairs, puis s'amorce la phase de guérison, l'intérêt pour l'histoire décline alors et les gens finissent par l'oublier.

Les histoires économiques les plus contagieuses sont celles qui décident du cours de l'économie. Shiller les décrit comme des «modèles de la réalité» qui tendent à être sur-simplifiés, donc très séduisants. Si un «super-propagateur» –une célébrité, un influenceur– en répand une, elle devient une histoire capable d'infecter une audience très large. Elles font souvent partie d'un réseau d'informations qui reprennent le même narrative ou les mêmes thèmes, ajoutant à la crédibilité de l'histoire globale.

Du rêve de la conquête de Mars, ravivé par le sulfureux Elon Musk et son entreprise SpaceX, à l'empire de Disney, les histoires sont partout en économie. Elles sont derrière le succès de la plupart des entreprises humaines, des géantes déjà établies aux start-ups qui cherchent l'attention.

À l'ère des fakes news, de la manipulation de la vérité et de la viralité des réseaux sociaux, comprendre comment ces narratives façonnent le monde est sans doute vital.

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