Il est bien tentant, lorsque l'on défend une cause, de trouver des arguments chiffrés pour la soutenir. Quitte à forcer un peu la réalité. Il est ainsi communément admis que la diversité dans les entreprises accroît ses performances financières.
Ce précepte est basé sur une étude McKinsey, qui montre que plus les entreprises ont un management diversifié en matière d'origine ethnique et de genre, plus ses bénéfices sont élevés.
L'étude, qui se base sur l'analyse financière de plus de 1.000 sociétés dans douze pays différents, semble a priori irréprochable et corrobore d'autres études du même type, montrant par exemple qu'intégrer des personnes d'origine étrangère dans son effectif renforce l'innovation.
Malheureusement, ces résultats s'avèrent difficiles à confirmer, comme l'explique Quartz. Des économistes de l'université du Texas et de Californie du Nord ont cherché à reproduire les résultats de l'étude McKinsey (en se basant toutefois sur un échantillon et une méthodologie un peu différents), et n'ont trouvé aucune corrélation significative entre le genre, la diversité ethnique et les résultats financiers.
Plusieurs autres études ne sont pas non plus parvenues à retrouver un lien direct. Une étude montre même que la valeur des entreprises a diminué depuis l'obligation d'inclure 40% de femmes dans les conseils d'administration en Norvège.
Tout cela met en évidence deux gros biais très courants dans la recherche académique. D'une part, la confusion entre corrélation et relation de cause à effet: les performances des entreprises peuvent s'expliquer par une multitude de facteurs et rien n'indique que le critère de la diversité en particulier ait une quelconque influence.
Deuxièmement, le biais de confirmation, qui tend à nous faire privilégier les arguments allant dans notre sens. «Il faut toujours se demander si les auteurs auraient publié leur étude s'ils avaient trouvé le résultat inverse, met en garde Alex Edmans, professeur de finance à la London Business School. Il est toujours tentant de publier une recherche bâclée si elle confirme ce que nous aimerions être vrai.»
La richesse est ailleurs
Bien entendu, il est tout à fait noble et indispensable de défendre la diversité dans les entreprises. Mais, en s'appuyant sur de mauvais arguments, le risque est de provoquer un rejet du principe global.
«La plupart des dirigeants ne croient pas que l'ajout de femmes dans les conseils d'administration favorise les profits, car ils se rendent compte que les facteurs qui sous-tendent la rentabilité sont beaucoup trop complexes», atteste Robin Ely, professeur à la Harvard Business School.
Plutôt que de s'appuyer sur des arguments financiers, il serait préférable de mettre en avant d'autres bénéfices, estiment les experts. La présence de minorités dans les effectifs peut par exemple amener à des décisions moins consensuelles, donc plus profitables pour l'entreprise.
Elle peut aussi améliorer la satisfaction des employés, ce qui peut là encore générer une plus grande productivité et un moindre turnover. Bref, inutile de s'échiner à faire rentrer des carrés dans des cercles pour promouvoir ses idées.