Il est encore temps de remonter la pente. | Money Sharma / AFP

Il est encore temps de remonter la pente. | Money Sharma / AFP

Pourquoi il faut racheter des mines de charbon pour sauver la planète

Le marché, un outil étonnant de l'activisme.

L'histoire que raconte Richard Fisher pour la BBC est étonnante et, il faut le dire, plutôt réjouissante. Elle est celle d'une mine de lignite, également nommée houille brune, ce charbon extrait de la terre au prix de monstrueuses cicatrices, destiné à produire l'une des électricités les plus polluantes au monde.

Située en Allemagne, la mine appartenait au groupe suédois Vattenfall. Échaudée par la piètre image des industries d'extraction des énergies fossiles, l'entreprise a décidé, au mitan des années 2010, de se retirer de ces polluantes activités et de se recentrer sur le renouvelable.

Sans chercher à faire un profit monstrueux, elle devait donc trouver des repreneurs pour son unité allemande. Ce furent Martina Krueger et ses collègues. Ils n'étaient en rien des concurrents de Vattenfall ravis de faire main basse à vil prix sur une mine de charbon fonctionnelle: Krueger et co. sont des membres de Greenpeace.

Pourquoi donc Greenpeace –ou des ONG du même acabit et aux mêmes objectifs environnementaux– se lancerait dans l'extraction du charbon ou du pétrole, en rachetant exploitations, puits ou droits de forage? L'idée n'est justement pas de poursuivre une activité dommageable pour l'environnement, mais de la stopper: prendre le contrôle, pour ne rien faire.

Comme l'explique Fisher, ce rachat de mines, puits ou droits de forage peut sembler représenter un coût exorbitant, mais ce n'est pas toujours le cas; c'est même parfois moins cher que des années de campagne médiatique, pour un résultat beaucoup plus direct.

La pratique a été analysée il y a quelques années par l'économiste Bård Harstad, qui lui-même se basait sur les travaux plus anciens mais méconnus traitant du phénomène économique et écologique des fuites de carbone et de celle, plus connue, des «passagers clandestins».

Pour expliquer le principe de «fuite de carbone», Richard Fisher utilise une analogie simple et percutante. Une communauté désirant se passer de pétrole et des conséquences de son exploitation décide de passer collectivement à la voiture électrique. Un ou deux membres de cette communauté refusent, et continuent à profiter de leur véhicule à moteur thermique.

Sur le marché, le passage au tout-électrique d'une majorité de la communauté concernée fera mécaniquement baisser le coût du pétrole –ce pourrait être la même chose avec le charbon. Appelés «passagers clandestins», ceux ne s'étant pas pliés à la décision collective profiteront donc de nouvelles conditions très avantageuses et pourront continuer à émettre des gaz à effet de serre –voire amplifier leur marque environnementale, grâce à des prix planchers.

C'est avec de tels trous dans la raquette que l'on gâche de grands efforts, et que l'on ralentit drastiquement les investissements internationaux dans les énergies moins polluantes, le solaire ou l'éolien par exemple.

Bonne mine

Mais en rachetant les exploitations mises en vente, tout en laissant sous terre ce qu'elles cherchent à extraire, une coalition de pays ou d'investisseurs (des ONG comme Greenpeace mais, pourquoi pas, des milliardaires cherchant à utiliser leur fortune pour le bien commun) tordrait le marché, dans un sens favorable à la lutte contre le changement climatique.

Les réserves baisseraient, les prix des matières premières concernées monteraient et, rapidement, d'autres types d'énergies attireraient les acheteurs, poussant leurs producteurs à changer leur fusil d'épaule.

Surtout, cela coûte beaucoup moins cher que d'autres méthodes utilisées pour limiter les émissions de dioxyde de carbone, ou les séquestrer. L'an dernier, une mine a été mise en vente pour 6,8 millions d'euros en Virginie, aux États-Unis. Ses émissions mensuelles de CO2 étaient estimées à 25.000 tonnes.

Selon les rapides calculs de l'économiste Alex Tabarrok, une telle quantité coûterait chaque mois 2,2 millions d'euros à séquestrer sur le long-terme, un impératif pour maintenir la hausse des températures dans une fourchette viable pour l'humanité. Conclusion logique: en un peu plus de trois mois, et sur le plan écologique, le rachat de la mine serait une bonne affaire.

L'article de la BBC note qu'il existe néanmoins de nombreux obstacles à ce type de rachat. Le premier, comme l'avaient déjà noté Martina Krueger et ses collègues de Greenpeace, est moral: une mine n'est pas qu'une mine, elle est aussi des mineurs, à qui il faut nécessairement organiser une transition douce.

D'autres freins peuvent être les réticences des autorités locales ou nationales à fermer de telles unités économiques, dont l'arrêt de l'activité représenterait un important manque à gagner en termes de finances publiques, voire un coût social et économique colossal si le rachat était effectué sans plan pour les travailleurs déjà en place.

Reste que la pratique montre que ces rachats peuvent fonctionner, sur le plan économique comme sur le plan social –et bien entendu sur le plan écologique. Avec certes beaucoup d'efforts, de concertation, et de changement des mentalités, le marché peut aussi fonctionner dans le sens de la planète.

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