Le champ de gaz de Bovanenkovo, dans la péninsule de Yamal. | Alexander Nemenov / AFP
Le champ de gaz de Bovanenkovo, dans la péninsule de Yamal. | Alexander Nemenov / AFP

Le jeu dangereux de la Russie avec la fonte de l'Arctique

Un désastre, mais une opportunité que le pays de Poutine compte bien exploiter –à tout prix.

Comme le note Bloomberg, la Russie est parfaitement placée pour constater, in vivo, les conséquences directes du changement climatique et de la fonte des glaces de la région arctique.

La fonte accéléréee du pergélisol, qui recouvre une grande partie du pays digiré par Vladimir Poutine, met en péril de très profitables économies –notamment celle, minière, du milliardaire Vladimir Potanine.

Le réchauffement de la région septentrionale russe a des répercussions climatiques directes et violentes, tels les incendies géants ayant grillé une partie de la Sibérie et de l'Extrême-Orient russe en 2019 et 2020.

Ces conséquences sont loin de s'arrêter aux frontières du pays: selon certains experts, la récente vague de froid dans le sud des États-Unis et le désastre énergétique qui s'en est suivi au Texas sont directement liés à ces degrés en plus.

Les choses pourraient pourtant empirer: la toundra russe agit comme un piège à CO2 géant mais pourrait, si la fonte des glaces se poursuit à ce rythme, relâcher ses stocks colossaux, accélérant encore le changement climatique.

Pertes et profits

Tout ceci constitue à l'évidence un bien sombre tableau. Mais si elles sont pleinement conscientes des dangers pour la planète, les autorités russes ne manquent pas de voir dans cette déliquescence climatique quelques belles opportunités de développement.

Si la fonte des glaces représente un risque direct pour certaines industries, elle pourrait également faciliter l'exploitation de gisements pétrolifères encore difficilement accessibles. Mais c'est surtout du côté du gaz naturel liquéfié (GNL) que la Russie porte un regard envieux.

Le pays dispose de la plus grande réserve mondiale de GNL. La Russie parie logiquement sur une explosion de la demande planétaire en gaz naturel liquéfié: loin d'être neutre mais moins polluant que le charbon, il pourrait aider certaines économies dans leur processus de décarbonation. Il pourrait aussi être un appui précieux –et moins coûteux que des énergies renouvelables peu adaptées– pour la colonisation humaine d'une zone encore très peu densément peuplée.

Le pays compte donc fortement investir dans la région, risques climatiques ou non. «Nous déplacer vers le nord et l'est est un boulot que la Russie fait depuis quatre siècles et demi, nous savons que la nature et la météo sont difficiles là-haut», a expliqué à la télévision Alekseï Chekunkov, ministre spéficiquement chargé du développement de la zone arctique. «Quoiqu'il arrive, nous allons vivre, travailler et développer l'économie au nord.»

Exploiter et, surtout, exporter le GNL peut se révéler complexe. Or, une Arctique qui fond signifie également l'ouverture de nouvelles routes maritimes, ou la pérennisation sur l'année de celles déjà existantes.

C'est le cas notamment de la route maritime du nord (cе́верный морско́й путь en russe). Celle-ci est pratiquable sur des périodes de plus en plus longues, et pourrait un jour l'être sur les douze mois de l'année –ce jour signifiera, ailleurs dans le monde, des bouleversements climatiques terribles.

En attendant, la Russie compte, pour accélérer le développement de ce nord encore sauvage, sur la flotte de brise-glaces nucléaires qu'elle crée à grands frais, signe de l'importance stratégique et économique de la région arctique.

À l'évidence, ces ambitieux plans de développement pourraient représenter un coût terrible pour le reste de la planète: profiter ainsi de la fonte des glaces peut, sans action spécifique, signifier une accélération du processus.

Comme le note Bloomberg, l'ONG Climate Action Tracker juge les efforts de la Russie «dramatiquement insuffisants». Si toutes les nations étaient dans le même cas, le réchauffement de la planète pourrait atteindre 4°C d'ici à la fin du siècle: le pire des scénarios envisagé par les scientifiques.

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