Sans même les éplucher, il ne restait plus aux producteurs d'oignons que leurs yeux pour pleurer. | Thomas Evans via Unsplash

Sans même les éplucher, il ne restait plus aux producteurs d'oignons que leurs yeux pour pleurer. | Thomas Evans via Unsplash

Comment un fermier-trader a pris en otage 98% des oignons américains

Vince Kosuga, l'homme du «Big Short» de l'oignon.

Aujourd'hui encore, dix-neuf ans après sa mort, le nom de Vince Kosuga hérisse les fermiers américains. Pourtant, en 1955, Kosuga était l'un des leurs et cultivait des oignons dans sa ferme de l'État de New York.

En parallèle de ses activités maraîchères, Kosuga passait son temps libre à la bourse, à échanger des futures, ou contrats à terme. Bien connus des financiers et traders, ceux-ci consistent en des promesses d'achats de biens futurs à des prix fixés à l'avance, permettant de faire de bonnes affaires si les prix augmentent.

Mais Kosuga n'était pas un trader très doué et perdait de petites fortunes dans les futures de blé. Il a donc décidé de se tourner vers le marché de l'oignon, dont il était logiquement plus familier. Pas pour arrondir ses fin de mois mais pour réaliser le coup du siècle: l'Américain souhaitait monter une opération financière aujourd'hui inimaginable et «coincer» (ou corner) le marché dans son ensemble.

Pour ce faire, Kosuga a tout simplement mis la main sur l'ensemble des oignons produits aux États-Unis. Il s'est mis à les acheter en masse, stockant ces millions de bulbes dans de gigantesques entrepôts répartis aux quatre coins du pays.

En parallèle, il a acheté des contrats à terme sur les oignons en cours de culture, afin que la future récolte ne contrarie pas ses plans. L'intégralité de la manœuvre a été réalisée dans la plus grande discrétion, pour que personne ne comprenne qu'un acteur unique était derrière la manipulation.

Dans l'oignon

Cela fait, il ne lui restait plus qu'à laisser les oignons poireauter dans ses entrepôts en attendant que la pénurie fasse grimper leur prix. Il a ensuite réuni les principaux distributeurs nationaux d'allium cepa à Chicago, qui n'ont eu d'autre choix que de se tourner vers lui et d'acheter au prix fort.

Kosuga aurait pu s'arrêter là, sa fortune était déjà faite. Mais il a préféré tenter un nouveau coup d'éclat, quitte à provoquer l'ire de l'ensemble des cultivateurs: le «roi de l'oignon» a shorté son propre produit, pariant sur une baisse d'un prix dont il avait de toute façon la maîtrise.

Une fois ses positions prises et paris placés, il a délesté ses entrepôts du reste de leur contenu et innondé le marché de milliers de tonnes d'oignons, faisant s'écrouler le cours du produit, qui finit par valoir moins cher que les sacs qui le contiennent. En panique, les traders ont tenté de se débarasser d'un maximum de leurs stocks, et le surplus a fini dans la Chicago River ou dans le lac Michigan.

La seule personne à avoir bénéficié de l'opération est Kosuga, qui est parvenu à gagner 8,5 millions de dollars –aujourd'hui, cela représenterait environ 85 millions de dollars, soit 69 millions d'euros.

La manipulation du marché a été telle que le Congrès américain a décidé par la suite d'interdire la vente de futures d'oignons, en votant la bien nommée Onion Futures Act. Une interdiction unique, encore en vigueur à ce jour.

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