À Kyoto, Naomi Hasegawa vend des mochis, des petits gâteaux japonais à base de riz, dans une boutique en bois de cèdre. Sa famille a lancé ce business il y a plus de 1.000 ans, lorsqu'elle ravitaillait les pèlerins harassés sur la route du temple.
Dix siècles plus tard, malgré les guerres, les crises économiques, les catastrophes climatiques et la pandémie, la boutique est toujours là, et la recette des mochis est restée quasi inchangée.
Le Japon recense plus de 80.000 centenaires, selon les statistiques gouvernementales. Mais les individus ne sont pas les seuls à bien vieillir au pays du Soleil Levant. Le Japon compte aussi plus de 33.000 entreprises âgées de plus de 100 ans, soit 40% de la totalité des entreprises centenaires du monde, rapporte le New York Times.
Plus de 3.100 d'entre elles ont même plus de 200 ans, 140 existent depuis 500 ans et 19 sont millénaires, à l'instar d'Ichiwa, l'échoppe de Naomi Hasegawa.
La plupart de ces entreprises ancestrales sont des petites affaires familiales, qui vendent des produits ou services traditionnels. Certaines sont aussi des grosses sociétés, comme Nintendo, qui a commencé à vendre des cartes de jeu il y a 131 ans, ou Kikkoman, le leader mondial de la sauce soja, qui opère depuis 1917.
Qui va piano...
Le secret de leur longévité réside dans plusieurs facteurs. Elles prennent soin de leurs salariés, soutiennent la communauté et inspirent le respect et la fierté. Leur croissance est généralement plus faible, mais durable.
Elles présentent une aversion au risque et une épargne suffisante pour leur permettre de faire face aux aléas économiques. «Même lorsqu'elles font des profits, elles n'augmentent pas leurs dépenses d'investissement outre mesure», souligne Tomohiro Ota, analyste à la banque Goldman Sachs.
Et lorsqu'elles ont besoin d'argent, elles peuvent facilement s'en procurer puisque les taux d'intérêt réels sont au plancher depuis de nombreuses décennies au Japon.
Cela ne signifie pas que ces entreprises sont restées figées au cours des siècles. NBK, qui a commencé à fabriquer des bouilloires en fer et des lanternes en 1560, produit aujourd'hui des pièces de machines de haute technologie. Hosoo, un fabricant de kimonos de 332 ans de Kyoto, a étendu son activité textile à l'ameublement et à l'électronique.
Malgré leur résilience, de nombreuses entreprises japonaises centenaires doivent aujourd'hui faire face aux difficultés traditionnelles des entreprises vieillissantes: trouver un successeur, recruter des personnes qualifiées sur des métiers rares, ou s'adapter aux changements des goûts des consommateurs.
Chez Ichiwa, on voit ainsi passer de moins en moins de pèlerins au fur et à mesure que disparaissent les pratiques religieuses.