Vous avez sans doute déjà entendu parler d'Amazon Mechanical Turk, cette plateforme où des milliers de petites mains effectuent des micro-tâches répétitives pour quelques centimes, comme étiqueter des photos, transcrire des données, supprimer des doublons ou annoter des vidéos.
Il existe désormais un nouveau travail pour ces forçats du numérique: entraîner les voitures autonomes. Ces dernières enregistrent des milliers d'heures de vidéo durant leurs tests, et il leur faut «apprendre» à reconnaître des objets ou des obstacles potentiellement dangereux afin d'améliorer l'algorithme de conduite.
Cela peut être un chien qui traverse la route, un feu rouge en panne ou une brusque averse de pluie. Les internautes sont ainsi chargés de «taguer» les vidéos, un travail rébarbatif payé entre 1 et 5 dollars de l'heure, raconte le site Rest of World.
La plateforme Remotasks, appartenant à une start-up californienne, s'est fait une spécialité de ce job bien particulier.
Humains après tout
Beaucoup de travailleurs et de travailleuses dans les pays pauvres trouvent ainsi une opportunité de gagner quelques dollars. C'est par exemple le cas de Ramses, un Vénézuélien qui a trouvé dans ce travail un moyen de se procurer de la devise américaine alors que la valeur de la monnaie officielle est quasiment réduite à néant en raison de l'inflation.
Marissa Zuniga, une Philippine qui travaillait autrefois en Chine, s'est elle aussi tournée vers Remotasks après avoir perdu son emploi à cause de la pandémie. Selon les pays, le temps de travail ou la complexité des tâches, la rémunération est hautement variable et peut varier du simple au quintuple.
Entraîner une intelligence artificielle pour les voitures autonomes n'est toutefois pas une micro-tâche comme les autres. Ici, le travail bâclé peut avoir des conséquences graves dans la vie réelle.
Les plateformes auxquelles les constructeurs de voitures autonomes comme Weymo sous-traitent le travail ont donc des exigences très élevées, quand bien même le job reste mal payé. «J'obtiens un avertissement dès que mon score de précision tombe au-deçà de 88%», raconte Joy Olwande, un Kenyan officiant sur la plateforme CloudFactory.
Et les tâches demandées peuvent être particulièrement minutieuses: «Les caméras [des voitures] sont devenues tellement sensibles qu'elles capturent la moindre goutte d'eau quand il pleut. Il faut donc taguer chaque goutte pour ne pas que la voiture la prenne pour un obstacle», détaille un autre travailleur.
«La plus grosse innovation qu'à jusqu'ici apporté la voiture autonome, ce n'est pas la conduite autonome elle-même, mais le vaste pool d'emplois qu'elle a accidentellement contribué à créer», ironise Florian Alexander Schmidt, un professeur de l'université de Dresde en Allemagne. Les chauffeurs de taxis et les conducteurs de cars qui seront mis au chômage auront de quoi se recycler.