Les start-ups rêvent de bonne publicité. Si vous faites parler de vous, vous attirez l'attention des gens sur votre produit ou projet et secouez le porte-monnaie des investisseurs. Pourtant à Mexico, les entrepreneurs déclinent les interviews dans les médias, évitent d'attirer l'attention sur leurs succès et gardent leurs chiffres de croissance pour eux.
«Il y a une taxe non officielle lorsque vous opérez et vivez à Mexico», raconte le directeur d'une start-up à Reuters, «et cette taxe est de vivre dans le risque.»
Peur des cartels, d'être kidnappé, d'être tué, de devenir une cible... «Vous vous mettez dans une position où vous pourriez être l'objet d'une rançon», témoigne Ulises Vazquez, le fondateur d'Ergos, une agence de publicité mexicaine. «Vous voulez faire profil bas pour pouvoir continuer à être libre.» Lui-même a gardé le silence sur les plus gros avancements de son entreprise.
Climat de peur
La peur qui règne parmi les entrepreneurs et l'élite serait notamment due au contexte politique et à la série de kidnappings et de meurtres de personnalités importantes dans le pays en 2017. Depuis ces événements, un commerce de voitures pare-balles, de traqueurs GPS ou de gardes du corps s'est développé dans la capitale mexicaine.
Le Mexique n'est pourtant pas le seul pays d'Amérique latine à être sujet à la violence: le trafic de drogue en Colombie ou le crime omniprésent au Brésil n'empêchent pas les start-ups de se développer et de faire du bruit.
Le Brésil, le hub de la région, a attiré 1,2 milliard d'euros d'investissements en 2018 et la Colombie, dont l'économie représente un quart de celle du Mexique, 300 millions. Le Mexique est loin derrière, avec 157 millions levés en 2017, selon les chiffres fournis par Reuters.
Croître en silence
Le problème est que sans visibilité, les entrepreneurs ont du mal à recruter les meilleur·es employé·es, convaincre les investisseurs ou inspirer la prochaine génération, analyse Daniel Green, l'un des partenaires du cabinet d'avocats Gunderson Dettmer, qui conseille les start-ups sud-américaines. «Cela freine assurément leur croissance», ajoute-t-il.
Il n'existe aucune information sur un meurtre d'entrepreneur qui aurait eu lieu en représailles au succès de sa start-up, et la peur ambiante pourrait être davantage due à un climat de méfiance qu'à une réalité.
«Communiquer davantage sur votre succès aide la communauté, aide l'entreprise, aide les investisseurs», croit fermement Bismarck Lepe, le directeur exécutif de Wizeline, une start-up logicielle. «Tant que vous n'êtes pas impliqué dans le trafic de drogue, rien ne va vous arriver.»