Le constat dressé par Bloomberg, mais aussi et surtout par les experts interrogés par le média américain, est sombre: selon toute vraisemblance, le monde se dirige droit vers une longue et grave pénurie de cuivre.
Une pénurie? Drôle de phénomène: comme le note le site, le prix du métal a très largement chuté ces derniers mois (de près d'un tiers depuis le printemps). Ce qui semble être signe d'abondance aujourd'hui peut pourtant signifier un énorme trou demain, à moyen et à plus long terme, de tels prix bas n'encourageant pas les géants du secteur à investir dans de nouvelles mines.
Celles-ci, pourtant, seront bientôt indispensables. Car le cuivre est partout: de nos câbles électriques à nos grille-pain, de nos ordinateurs à nos automobiles –et deux fois plus si elles sont électriques–, il est l'omniprésent métal de nos croissances actuelles comme à venir.
Et bien que son exploitation minière soit des plus polluantes, il sera indispensable à l'électrification de nos société décarbonées –en quelque sorte, les besoins croissants de cuivre sont désormais inscrits dans les lois de nombreuses nations.
Selon des chiffres de S&P Global avancés par Bloomberg, la demande devrait ainsi croître de plus de 50% entre 2022 et 2040, avec des objectifs «zéro émission nette» qui lui feraient atteindre les 50 millions de tonnes en 2035.
Copper sur la ville
Problème: l'offre, elle, devrait stagner et atteindre son pic en 2024. Toujours selon S&P Global, le déficit annuel pourrait atteindre 10 millions de tonnes en 2035.
Goldman Sachs estime de son côté que 150 milliards de dollars d'investissements, soit à peu près la même somme en euros, seraient nécessaires dans les dix années à venir pour combler un déficit de 8 millions de tonnes. Quant à BloombergNEF, il avance le chiffre de 14 millions de tonnes de déficit en 2040, qui devrait alors être comblé –en partie– par le seul recyclage.
Qui dit pénurie dit hausse des prix. «Cela va être extrême», prévient Michael Jones, patron de Los Andes Copper. Selon Goldman Sachs, et si rien ne change dans les objectifs verts des gouvernements ou dans l'activité économique globale, les prix sur la place de Londres pourraient doubler dès 2025 –on imagine mal ce que cela pourrait signifier quinze ans plus tard, quand le trou sera de 14 millions de tonnes par an.
Si des alternatives ne sont pas trouvées, notre futur environnemental dépendra pour partie de la production (ou du recyclage massif) de cuivre. Or, les exploitations actuelles et anciennes donnent de moins en moins de métal.
Certains grands nouveaux projets miniers ont par ailleurs été abandonnés ou repoussés, pour des raisons environnementales (Newmont Corp au Pérou), parce que les populations locales n'en veulent pas sur leurs terres (comme dans l'Arizona) ou, de manière plus mécanique, parce que les prix actuels du cuivre sont trop faibles pour pousser les investissements.
Bref, en ajoutant à ceci une volonté de retour sur investissement immédiat plutôt qu'un désir de développement à long terme, tout pointe vers une crise majeure pour le cuivre. Cette dernière pourrait très fortement compliquer l'activité économique mondiale à venir et, surtout, sa marche forcée vers des horizons moins carbonés.