Niveau yaourts, ça va, il reste du choix. | Kirill Kudryavtsev / AFP
Niveau yaourts, ça va, il reste du choix. | Kirill Kudryavtsev / AFP

Auchan, L'Oréal, Unilever, Carlsberg: par peur ou intérêt, ces firmes qui ne quittent pas la Russie

McDonald's a claqué la porte, beaucoup d'autres sont restées.

Début 2023, l'affaire a fait grand bruit: la filiale russe de l'entreprise française Bonduelle était accusée de participer à l'effort de guerre du Kremlin en livrant des colis alimentaires aux soldats envoyés envahir l'Ukraine.

Embarrassée et menacée de boycott, l'entreprise a dû fermement démentir. Elle participe bien à divers programmes d'aide alimentaire russes, mais c'est par ce biais indirect que ses produits ont fini dans les «colis de la bonté» envoyés aux soldats russes, par ailleurs souvent très mal nourris par leur gouvernement.

Quant à la dirigeante de la filiale russe, Ekaterina Eliseeva, Bonduelle a admis qu'elle avait passé quelque temps au sein du FSB, l'ancien KGB. Il a en revanche été précisé que ce n'était que pour recevoir une formation linguistique –ce qui n'empêche le lien de gêner quelque peu aux entournures.

Bonduelle explique sur son site disposer de trois usines de conserves et de surgelés sur le territoire russe. Elle justifie le maintien de ses opérations dans le pays par la nécessité de ne pas couper les vivres à une clientèle de 146 millions de personnes –«mais aussi des 90 millions de consommateurs des pays limitrophes (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Kazakhstan et Asie centrale)», précise l'entreprise.

Bref, Bonduelle fait de l'agroalimentaire et tente d'esquiver, comme elle le peut, les questions éthiques ou politiques qui se posent nécessairement dans une situation comme celle-ci.

Si McDonald's n'a mis que trois semaines à claquer la porte du pays avec pertes et fracas, Bonduelle est loin d'être la seule à avoir fait le choix de rester, à ses risques et périls, mais pour le bien de ses finances aussi.

Comme l'explique Bloomberg, nombre de géants occidentaux de la consommation –de L'Oréal à Carlsberg, d'Auchan et une partie groupe Mulliez à Unilever, de Philip Morris International à Danone ou Procter & Gamble– continuent ainsi leurs affaire au pays de Poutine, et à payer des taxes servant en partie à financer la guerre en Ukraine.

Pas si vite, pas si simple

Les raisons sont très diverses et ne tiennent pas seulement –ou toujours– à de purs intérêts économiques pour ces firmes de l'Ouest ayant réussi à poser un pied, voire les deux, dans l'énorme marché que constitue la Russie post-soviétique.

L'un des arguments les plus utilisés est celui de la responsabilité qu'ont ces entreprises vis-à-vis de leurs salariés en Russie. Certaines d'entre elles ont commencé un désengagement progressif, en cédant des de actifs à des cadres locaux. Patron d'Unilever, Alan Jope a expliqué qu'il ne souhaitait pas voir ses sites russes de production tomber entre les mains d'oligarques russes, voire de l'État lui-même.

De son côté, Carlsberg prévenait du risque de nationalisation pure et simple de ses activités russes si la tête occidentale de la multinationale commençait à volontairement faire baisser l'entreprise en valeur, en licenciant petit à petit son personnel, par exemple.

Partir n'est pas si simple, et plus le temps passe, plus les choses sont complexes, explique en outre Bloomberg, comme l'avait fait le Wall Street Journal dès juin 2022. Le fabricant d'une célèbre marque de pastilles contre le mal de gorge, Reckitt Benckiser, avait annoncé souhaiter transférer ses actifs à une tierce partie locale, voire à ses salariés, mais ne l'a toujours pas fait.

Danone a mis quelque temps à sauter le pas, mais contrôle encore en Russie sa branche nutrition infantile. Philip Morris négocie depuis des mois avec les autorités de Moscou pour obtenir les autorisations nécessaires à une vente en bon ordre de ses activités.

Économie de guerre

Mais les raisons de rester sont aussi, parfois, purement financières. Il est de plus en plus coûteux de quitter le pays, le gouvernement ayant imposé des taxes folles de près de 50% sur toute tentative de vente. Face à de telles pertes potentielles, une multinationale réfléchira forcément à deux fois avant de mettre la clé sous la porte russe.

D'autant que, comme le rapporte Bloomberg, les activités restent plus ou moins florissantes pour les firmes qui sont restées. Malgré une contraction de 2,9% du PIB en 2022, la récession est moins violente que prévue et les consommateurs consomment, d'autant plus qu'il s'agit généralement de biens courants. Il reste donc de l'argent à se faire en restant et plus à perdre en partant, comme l'ont récemment expliqué Unilever ou British American Tobacco à leurs investisseurs.

Alors celles qui restent tentent de ménager la chèvre russe et le chou de la réputation internationale, quitte à couper un peu dans les effectifs sans tout à fait arrêter leurs activités dans le pays, comme l'ont fait L'Oréal ou P&G, par exemple. Elles prennent les mesures nécessaires pour ne pas s'engluer dans les sanctions internationales, baissent la tête en attendant mieux et, parfois, accumulent quelques profits.

Selon Mark McNamee, directeur pour l'Europe de l'entreprise de recherche et d'analyse FrontierView, le risque encouru pour la réputation internationale des entreprises s'est effacé en quelques mois seulement après la nouvelle invasion de l'Ukraine, en février 2022. «Chaque trimestre, nous voyons de nouvelles entreprises sombrer dans le réalisme et dire “laisse tomber, on y va”», explique-t-il.

Il reste néanmoins un autre risque, loin d'être négligeable. Si la Russie et Vladimir Poutine s'extrayaient de leur mythe de l'«opération spéciale» pour déclarer une véritable guerre, le gouvernement pourrait mettre les entreprises au pas et s'en saisir de force, afin qu'elles participent à l'effort national en vue de la victoire. Qu'elles le souhaitent ou non, il sera alors trop tard: elles deviendront les actrices très directes des atrocités commises en Ukraine.

En ce moment

🔫Choisir entre TikTok et les munitions ☠️Une unité russe annihilée huit fois 🫧Les pieds nickelés américains en Ukraine: l'hebdo de korii.

Et Cætera

🔫Choisir entre TikTok et les munitions ☠️Une unité russe annihilée huit fois 🫧Les pieds nickelés américains en Ukraine: l'hebdo de korii.

Dix (courts) articles pour chasser l'ennui de votre dimanche et prendre de l'avance sur le monde.

🎮La géniale Steam Deck de Valve 🃏52 cartes pour sauver des vies en Ukraine 💎De délirantes locations d'ultra-luxe, hier sur korii.

Et Cætera

🎮La géniale Steam Deck de Valve 🃏52 cartes pour sauver des vies en Ukraine 💎De délirantes locations d'ultra-luxe, hier sur korii.

Quatre articles pour prendre de l'avance sur le monde.

Des locations de luxe sans engagement, ni préavis, ni limite: bienvenue chez les ultra-riches

Biz

Des locations de luxe sans engagement, ni préavis, ni limite: bienvenue chez les ultra-riches

Quand on a de l'argent, il n'y a plus d'engagements (ni de décence).