Londres s'est toujours vantée d'être la capitale mondiale de la finance. Avec 8,92 milliards d'euros d'actions échangées en moyenne chaque jour, la City est le premier centre financier d'Europe –devant Amsterdam– et concentre à elle seule 43% des volumes mondiaux sur le marché des changes.
Mais il y a un autre titre dont le Royaume-Uni se vante beaucoup moins: celui du champion de l'arnaque bancaire. Selon cinq grandes banques et une douzaines de spécialistes en cybersécurité, le pays est l'épicentre mondial des attaques frauduleuses, rapporte Reuters. Si vous habitez outre-Manche, vous avez plus de chances que partout ailleurs d'être victime d'une arnaque en ligne.
Un montant record de 754 millions de livres (893 millions d'euros) a été dérobé aux cours des six premiers mois de l'année 2021, en hausse de 30% par rapport à 2020 et de 60% par rapport à 2017, selon les données de UK Finance, qui représente 300 entreprises de services de la finance au Royaume-Uni. Ce taux de fraude est trois fois plus élevé que celui observé aux États-Unis.
Le pays se classe également au deuxième rang mondial en tant que source d'attaques automatisées par bots, le type d'attaque qui connaît la croissance la plus rapide au monde, selon les données de LexisNexis Risk Solutions, une société d'analyse de la criminalité financière.
Non seulement Londres concentre les attaques frauduleuses en nombre, mais elle constitue un laboratoire à ciel ouvert pour imaginer des escroqueries sophistiquées. «Les nouvelles fraudes commencent au Royaume-Uni, puis se déplacent deux ans plus tard aux États-Unis et dans le monde entier», confirme Ayelet Biger-Levin, vice-présidente de la stratégie produit à la société américaine de cybersécurité BioCatch.
Arnaques du turfu
Contrairement aux courriels rudimentaires prétendant provenir de grandes entreprises et vous demandant votre aide pour transférer de l'argent, les escrocs développent des stratégies de plus en plus élaborées et convaincantes. «J'ai vu certains cas où le fraudeur était en relation étroite avec sa victime depuis trois ou quatre ans», raconte Brian Dilley, directeur de la prévention du crime économique chez Lloyds.
Deena Karia, une autre victime, explique à Reuters avoir perdu 10.000 livres (11.800 euros) après avoir acheté une obligation qui semblait sûre, apparemment émise par Crédit Suisse.
La jeune femme s'était pourtant acquittée de toutes les vérifications nécessaires: numéro de téléphone valide, appel d'un membre du personnel... «Ils connaissaient même le nom de mon conseiller financier», insiste-t-elle.
C'est donc en toute confiance qu'elle a investi sur le site de MoneySuperMarket, un comparateur de prix connu. Il s'avère pourtant que le site en question était une parfaite copie de l'original.
Le phénoménal développement de l'industrie de la fraude britannique repose en grande partie sur son infrastructure de paiement ultra-rapide, mais aussi sur la faible répression et l'utilisation de la langue anglaise, la plus communément parlée par les pirates.
«À peine 1% des ressources policières sont consacrées à la lutte contre la fraude bancaire, bien qu'elle représente plus d'un tiers de toute la criminalité en Angleterre et au Pays de Galles», déplore Chris Reed, responsable des menaces cyber au National Economic Crime Centre (NECC).
Les plateformes internet (Google, Facebook, Amazon...) sont également accusées de prendre le problème à la légère. Faire du business à Londres est peut-être bien pratique, mais aussi bien plus risqué.