L'analyse de la société italienne par Luca Ricolfi fait polémique. | Jakob Owen via Unsplash
L'analyse de la société italienne par Luca Ricolfi fait polémique. | Jakob Owen via Unsplash

En Italie, la crise n'empêcherait pas de se la couler douce

Un sociologue iconoclaste affirme qu'en dépit d'une économie moribonde, le pays jouit d'une prospérité pas vraiment méritée.

Dans son dernier livre La societa signorile di massa, ou «La société de masse embourgeoisée» en version française, le sociologue Luca Ricolfi, connu pour ses positions controversées, décrit une société italienne qui malgré les affres de la crise continue de mener la dolce vita.

Ricolfi avance qu'en Italie est en train de se développer un nouveau modèle de société, où une grande partie de la population issue de la classe moyenne ne vit plus de la richesse produite mais de celle accumulée par les générations précédentes, notamment lors du boom économique de l'après-guerre. L'universitaire souligne également le rôle joué dans cette croissance par le travail d'une classe immigrée, défavorisée et sous-payée.

Classe privilégiée

«L'Italie est devenue une société opulente dans laquelle l'économie ne croît plus et où les citoyens ayant accès au surplus produit par leurs aînés, n'ayant plus besoin de travailler, sont plus nombreux que ceux qui travaillent», écrit Ricolfi.

En guise de preuve, il évoque plusieurs données, à commencer par la retraite confortable dont profiterait nombre de ses concitoyen·nes, le revenu de leur cohorte d'âge se rapprochant de celle de la population active –une situation inédite pour un pays développé.

Le sociologue rappelle en outre que les banques italiennes se positionnent volontiers en tant qu'«acheteuses enthousiastes» de la dette nationale, ce qui accroit la valeur des biens, des retraites et d'autres actifs financiers.

En conséquence, même si les revenus n'ont pas augmenté, un foyer italien possède en moyenne près de six fois son revenu disponible en biens, a calculé l'OCDE. Ce chiffre classe l'Italie devant l'Allemagne et le Royaume-Uni, mais derrière les Pays-Bas, la Suède ou le Danemark et à un niveau équivalent de celui de la France.

Oisiveté et marginalité

Autre fait marquant: un tiers des Italien·nes en âge de travailler n'occupent pas d'emploi. Luca Ricolfi, qui soutient qu'une part importante de ces personnes ne travaillent pas par choix, assume pleinement la polémique créée par ses propos.

Plus qu'ailleurs en Europe, un niveau d'études universitaire ne garantirait pas en Italie une bonne situation, ce qui d'après lui pousserait beaucoup de jeunes à rester vivre aux crochets de leurs parents.

Si l'on additionne les 13 millions de sans-emploi et les 16 millions de retraité·es, pas loin de 30 millions d'Italien·nes formeraient une classe oisive que Ricolfi n'hésite pas à comparer à l'aristocratie du Moyen Âge.

Le sociologue observe enfin que la stratification de la société italienne repose aujourd'hui sur une minorité de travailleurs saisonniers et non déclarés. Il estime à 3,5 millions le nombre d'individus, majoritairement immigrés, vivant en marge de la société et travaillant pour l'économie parallèle.

Début de la fin

Pour autant, cette situation pourrait bientôt se terminer. La richesse accumulée par les générations précédentes ne fait que s'amenuiser, et le faible taux de natalité commence à modifier la donne.

Sur le plan économique, l'Italie stagne. Son chômage est désormais chronique, sa bureaucratie inefficace. Son système de retraite coûte cher, et la population active devra toujours payer davantage pour la retraite de ses aîné·es.

Sans faillir à sa réputation, Luca Ricolfi conclut, lapidaire: «Nous sommes assez prospères pour permettre à beaucoup de renoncer au travail, mais nous ne sommes pas assez productifs pour nous permettre une telle prospérité sur le long terme. Voilà près d'un demi-siècle que nous vivons au-dessus de nos moyens.»

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