Depuis son arrivée au pouvoir, le président Recep Tayyip Erdoğan a tenté de renforcer son contrôle sur le cours international de la livre turque, en dénonçant ceux qui manipulent les cours.
Sa politique lui a permis d'emprunter à moindre coût et de diminuer l'inflation. Mais le coût économique est important: alors que la banque centrale flambe ses réserves de dollars, les investisseurs sont réticents à amener de nouvelles devises dans le pays.
Ceux-ci se détournent de la livre turque, autrefois très échangée sur les marchés émergents, depuis qu'Ankara a restreint ce type de transactions. En mai, la banque centrale a interdit aux acteurs turcs d'échanger de la livre avec BNP Paribas, UBS et Citigroup.
Cela renforce l'influence des banques contrôlées par l'État turc sur le cours de la livre turque. Selon certaines rumeurs, Erdoğan pourrait même instaurer un contrôle des mouvements de capitaux.
Une stratégie risquée
Mais cette politique coûte cher: énormément de dollars ont été vendus par des acteurs liés à l'État turc sur les marchés financiers, asséchant un tiers des réserves dont disposait la banque centrale depuis fin 2018. Pour restaurer ses réserves de devises, Ankara pourrait avoir besoin de l'assistance du FMI.
«Pour atténuer la pénurie de dollars pour soutenir la livre, le Qatar a triplé la limite d'un accord de swap existant avec la banque centrale turque à 13,4 milliards d'euros. Avec plus de 146 milliards d'euros de financement extérieur à renouveler dans les douze mois, Ankara fait pression sur la Réserve fédérale américaine et les autres banques centrales du G20 pour accéder à des devises», explique Bloomberg.
La banque centrale turque a flambé 85 milliards de ses réserves de dollars [75,6 milliards d'euros] depuis fin 2018.
La part des investisseurs étrangers sur le marché de la livre turque est inférieure à 5%, et ceux-ci ont retiré 6,7 milliards d'euros de titres obligataires en livres turques en un an, le pire chiffre depuis 2015.
Seul un quart des transactions des banques turques avec leur clientèle étrangère se font en livres turques; en 2018, c'était les deux tiers. Cette part est la plus basse depuis 2007.
Pour emprunter à moindre taux, la banque centrale a décrété neuf baisses consécutives des taux d'intérêt. La montée de l'endettement et la dépréciation de la livre qu'elles pourraient entraîner risquent de créer une situation économique explosive. Plusieurs acteurs financiers étrangers ont déjà restreint leurs opérations de trading sur la monnaie nationale turque.